Projet de loi amendant le Code de procédures pénales, Tunisie

Communiqué de presse

Projet de loi amendant le Code de procédures pénales (CPP)

A l’occasion de la tenue, à l’Assemblée des Représentants du Peuple, d’une séance plénière le 26/01/2016 consacrée à l’examen d’un projet de loi amendant le Code de procédures pénales (CPP), et suite à la publication de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) d’un mémorandum sur le projet de révision du Code de Procédures Pénales (CPP), les organisations de la société civile signataires:

  • Soulignent la nécessité de la conformité de l’amendement du Code de procédures pénales à la Constitution tunisienne, notamment à son article 65 (Chapitre 3) relatif au pouvoir législatif, qui stipule que tous les textes de lois relatifs à l’organisation de la Justice et de la magistrature et aux libertés et droits de l’Homme prennent la forme d’une loi organique et non pas une loi ordinaire comme proposé actuellement le projet de révision du CPP.
  • Insistent sur le respect du principe de l’égalité en droits entre tous les suspects et recommandent d’éviter toute discrimination non justifiée entre eux.
  • Rappellent la nécessité de garantir les droits des justiciables à la défense et ce, en permettant aux personnes gardées à vue de pouvoir contacter et assurer la présence d’un avocat immédiatement après l’arrestation ainsi qu’avant et pendant l’interrogatoire, et, conformément à la déclaration universelle des droits de lˈhomme ( l’article 3 ; » Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne« ) , au Pacte  international des droits civils et politiques  ( 9 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne) et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.)

Les ONGs recommandent également à cet égard la nécessité de :

  • Déterminer d’une manière claire et restrictive la notion de « nécessités de l’enquête « qui justifient la garde à vue. Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :
  • Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne.
  • Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête.
  • Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou les indices matériels.
  • Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches.
  • Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices.
  • Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

Les ONGs signataires rappellent aussi la nécessité :

  • De déterminer avec rigueur le point de départ de la durée de la garde à vue et ce, à partir de l’arrestation du suspect ou de son arrivée au commissariat selon ce qui est le plus favorable à celui ci.
  • D’informer la personne placée en garde à vue immédiatement par un officier de police judiciaire :
  • De son placement en garde à vue et des motifs justifiant son placement en garde à vue, ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet.
  • Du fait qu’elle bénéficie :
  1. Du droit de faire prévenir un proche ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante,
  2. Du droit d’être examinée par un médecin. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois,
  3. Du droit d’être assistée par un avocat,
  4. S’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète

Si la personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

Les ONGs signataires recommandent vivement de rationaliser la prolongation de la durée de la garde à vue afin de limiter le recours abusif à cette mesure exceptionnelle et de déterminer les procédures de lˈassistance de l’avocat durant les phases de la poursuite.

Elles insistent sur la nécessité de garantir toutes les conditions d’un procès équitable notamment en préservant l’indépendance du pouvoir judiciaire, et surtout du  Ministère public qui  fait partie de la justice judiciaire et bénéficie des mêmes garanties constitutionnelles (Article 115 de la Constitution)  par rapport au pouvoir exécutif et contre toute ingérence politique, et demandent à cet effet le retrait de l’article 10 bis du projet d’amendement du code.

Appellent à plus de concertation avec la société civile et à l’implication de tous les corps juridictionnels ainsi que les experts en la matière dans la révision du Code de procédures pénales.

Liste des ONGs signataires :

  1. Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme (LTDH)
  2. Association des Magistrats Tunisiens (AMT)
  3. Ordre National des Avocats de Tunisie (ONAT)
  4. Association Tunisiennes des Femmes Démocrates (ATFD)
  5. Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES)
  6. Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT)
  7. Comité de Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
  8. L’Union Nationale de la Femme Tunisienne (UNFT)
  9. Association des Femmes Tunisiennes pour la recherche sur le Développement (AFTURD)
  10. Fondation Chokri Belaïd contre la violence.
  11. Association Vigilance
  12. Association pour la Défense des Libertés Individuelles (ADLI)
  13. Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives (FTCR)
  14. Centre de Tunis pour la Migration et l’Asile (CeTUMA)
  15. Organisation Tunisienne pour la Citoyenneté (OTC)
  16. UTOPIA Tunisie
  17. Plateforme d’économie sociale et solidaire (Platess)
  18. Association Tunisienne des Etudes Scientifiques sur la Population, la Migration et la Santé (ASPOMIS)
  19. Coalition pour les femmes de Tunisie
  20. Thala Solidaire
  21. Association Citoyenneté et Libertés (Jerba)
  22. IRTIKAA
  23. Association Free Sight
  24. La ligue des électrices Tunisienne (LET)
  25. Twiza pour la démocratie locale et la bonne gouvernance
  26. ATHA ECOGITE
  27. Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme/EuroMed Droits
  28. Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH)
  29. The Carter Center