Même le COVID-19 ne peut mettre un terme à la politique. La « loi d’amnistie » récemment adoptée en Turquie est une nouvelle preuve de la répression permanente entreprise par les autorités pour faire taire les voix dissidentes. Alors que 90.000 détenu.e.s ont été libéré.e.s, 50.000 personnes emprisonnées sur la base d’accusations fallacieuses de terrorisme restent en prison. Parmi eux se trouvent des journalistes, des personnalités politiques, des défenseur.e.s des droits humains, des étudiant.e.s ou simplement des critiques de la politique du gouvernement.
Pour ce faire, le Président Erdogan s’appuie sur une vague définition du terrorisme inclue dans l’article 7§2 de la Loi pour lutter contre le terrorisme. Mais il compte également sur un système judiciaire qui manque d’indépendance et qui est principalement utilisé comme une arme contre la contestation. Sous Erdogan, le système judiciaire est à la fois une cible et une arme du pouvoir politique. Ce système a été central dans ses efforts pour démanteler les institutions démocratiques et établir un système présidentiel tout puissant avec peu de systèmes de contrôle des décisions de l’exécutif. Depuis 2014, le Président Erdogan a remanié et restructuré le système judiciaire, réduisant l’État de droit et le droit à un procès juste en Turquie.
La coalition AKP-MHP poursuit désormais la répression contre ses opposants, passant du harcèlement judiciaire à de possibles mauvais traitements ou à la torture. En laissant les prisonniers faire face à des conditions de détention insalubres durant une pandémie, l’État viole ses obligations fondamentales envers les personnes privées de liberté. La Turquie est l’un des pays qui compte le plus fort taux d’infection et où la courbe épidémique augmente le plus rapidement. Alors que les infections approchaient les 2.500 cas le 25 mars, ce nombre a atteint les 110.000 cas le 27 avril.
Nombreux sont ceux qui ont demandé au gouvernement turc de ne pas adopter une telle loi. Des associations nationales et internationales du barreau et des ONG de défense des droits humains ont demandé que les principes d’égalité soient observés. Ils ont également demandé que les prisonniers politiques ne fassent pas l’objet de discriminations. Les Nations Unies, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture ont souligné la nécessité de libérer les voix dissidentes emprisonnées sur la base d’accusations fallacieuses. Malgré ces appels, le gouvernement a décidé de poursuivre sa guerre contre les opposants, mettant leur vie en danger et contrevenant de manière claire, respectivement à l’article 2 de la Convention des Nations Unies contre la Torture et à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.