« Les droits humains sont applicables en ligne et hors ligne, basta ! » et « Les mensonges se répandent plus vite que les faits » sont peut-être les deux citations qui résument le mieux les discussions du 22e Forum UE-ONG sur les droits humains consacré à l’impact des nouvelles technologies sur les droits humains, qui s’est tenu les 9 et 10 décembre.
Avec 4,6 milliards d’internautes dans le monde, 3,8 milliards d’actifs sur les médias sociaux et une pandémie COVID-19 limitant les contacts hors ligne, le thème de cette année était plus indiqué que jamais ! Le Forum a souligné le niveau élevé d’analphabétisme numérique au sein de la société civile quant à une utilisation sûre d’internet et des médias sociaux, ainsi que son manque de connaissance des droits numériques.
Internet offre des opportunités de créer de nouvelles formes d’activisme et d’utiliser l’information numérique comme preuve de violations des droits humains. À Hong Kong, des militants ont développé une application interactive avec une carte où la police est représentée par des points pendant les manifestations. Dans divers pays, la société civile fournit à Facebook des mots-clés significatifs au niveau local sur les discours de haine, afin que Facebook puisse « entraîner » ses algorithmes. D’autre part, les défenseur.e.s des droits humains (DDH) sont confronté.e.s à des menaces visibles ou insidieuses telles que les discours de haine en ligne, les campagnes de diffamation, les fermetures d’internet pour réprimer les manifestations, tandis que la vie privée des gens ordinaires est menacée par le recours croissant à la reconnaissance faciale et à la collecte de données biométriques sous le couvert de protéger la sécurité nationale. Les régimes répressifs définissent de façon large les « discours de haine » ou le « terrorisme » pour faire taire les voix dissidentes. Les principes fondamentaux de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination doivent être appliqués comme un test de légalité.
Cette dichotomie habituelle entre les avantages et les menaces pour les défenseurs des droits humains, que l’on pourrait appeler une « arme numérique à double tranchant », ne suffit pas à englober tout ce qui est en jeu. Au moins trois aspects doivent être traités : la liberté d’expression en ligne (comment la concilier avec la nécessité de lutter contre les discours haineux, où se situe la limite et qui la trace) ; la vie privée et la surveillance (collecte, stockage et utilisation des données par des entreprises non réglementées et des gouvernements) ; la discrimination due à l’énorme fossé numérique en fonction de l’âge, du genre et des revenus. Les TIC ne sont pas neutres, elles sont destinées aux privilégié.e.s !
Les participant.e.s au Forum ont clamé que les grandes entreprises technologiques ne devraient pas être autorisées à s’autoréguler en matière de protection des données, de lutte contre les discours de haine et de censure (ex. du retrait de contenus perçus comme trop « politiques » par Facebook). La société civile a un rôle clé à jouer pour promouvoir la dignité pour tou.te.s, construire des coalitions et promouvoir un internet inclusif, avec le soutien de sociétés de technologie « open-source » dont la motivation n’est pas d’accumuler les profits.
Le 15 décembre, la Commission européenne a publié sa proposition pour un Digital Services Act en tant que cadre réglementaire au niveau de l’UE pour s’attaquer au modèle commercial de l’internet. Les participant.e.s au forum ont plaidé en faveur d’une politique des « trois T », à savoir la confiance (trust), la transparence et la vérité (truth). Pour un internet libre, ouvert et sûr comme droit fondamental.