L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, ainsi que le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et la Fédération Euro-méditerranéenne contre les Disparitions Forcées (FEMED), condamnent l’intrusion des autorités marocaines dans les locaux de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) ainsi que l’agression de l’une de ses militantes.
Le dimanche 15 février 2015 au soir, les forces de l’ordre marocaines, accompagnées d’une quarantaine de personnes en civil et armées d’instruments en fer, ont fait irruption dans les locaux de l’AMDH, encerclés depuis la matinée. À cette occasion, une membre de l’administration centrale et de la commission administrative de l’AMDH, Mme Rabea Bouzidi, a été physiquement et verbalement agressée. Cherchant à lui arracher les clefs de son logement et des locaux de l’association, quatre personnes se sont en effet précipitées sur elle et l’ont mise à terre, l’empêchant de respirer. Mme Bouzidi a été transférée à l’hôpital dans un état préoccupant. Plus tôt dans la journée, les forces de l’ordre marocaines avaient déjà tenté de pénétrer dans les locaux de l’AMDH, ce que M. El Haij, président de l’association, avait refusé en l’absence de mandat officiel.
Cette intrusion dans les locaux de l’AMDH visait deux journalistes français, Jean Louis Perez et Pierre Chautard, de l’agence Première Ligne, venus proposer à des membres de l’AMDH de les interviewer au sujet du « mouvement du 20 février ». Les deux journalistes étaient au Maroc dans le cadre d’un tournage pour le compte de France 3 sur l’économie marocaine.
Les autorités ont procédé à la confiscation de leur matériel, y compris de leurs téléphones, au motif qu’ils ne disposaient pas encore d’une autorisation officielle en dépit d’une demande formulée plusieurs semaines auparavant auprès des autorités marocaines[1]. Ces derniers ont été renvoyés du sol marocain le 16 février, sans pouvoir récupérer leur matériel ni le contenu de leur tournage.
L’Observatoire, le REMDH et la FEMED condamnent l’agression de Mme Rabea Bouzidi et l’intrusion des forces de l’ordre dans les locaux de l’AMDH, qui constituent une grave entrave à la liberté d’association. Nos organisations s’inquiètent des actes de violence perpétrés par les forces de l’ordre à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, et déplorent plus généralement la recrudescence des entraves à la liberté d’information, d’association et de réunion au Maroc depuis plusieurs mois[2].
Nos organisations appellent les autorités marocaines à garantir la liberté d’association des défenseurs des droits de l’Homme en toutes circonstances, ainsi que la sécurité des membres et locaux des ONG de défense des droits de l’Homme, notamment ceux que les journalistes ont pu rencontrer, conformément à l’article 29 de la Constitution marocaine, à l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), et à l’article 5.b de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998.
[1] Les journalistes, qui avaient formulé une demande d’autorisation auprès des autorités, pensaient toutefois exercer dans la légalité, leur requête n’ayant pas reçu de réponse. Ils s’apprêtaient à faire le suivi de leur demande d’autorisation le 16 février auprès des autorités.
[2] Cf. communiqués de presse de l’Observatoire du 29 juillet 2014 et du 7 octobre 2014 et du REMDH du 2 octobre 2014, ainsi que la lettre ouverte du REMDH au Ministre de l’intérieur Mohamed Hassad du 26 Novembre 2014 et la lettre ouverte du REMDH à l’Union européenne du 5 décembre 2014.