Le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) exprime sa profonde préoccupation face à l’avant-projet de loi approuvé par le gouvernement espagnol qui ôterait en grande partie aux femmes résidant dans ce pays le droit à l’avortement durant les premières semaines de leur grossesse, légalisé par la loi de 2010. Le REMDH condamne cette réforme dont les conséquences sont très inquiétantes, sur les droits mais aussi la santé des femmes.
Le 20 décembre 2013, le Conseil des ministres espagnol approuvait un Avant-projet de Loi Organique pour la protection de la vie du conçu et des droits de la femme enceinte. Le REMDH entend rappeler que ce projet de loi, s’il est approuvé par le parlement[1], opèrera un retour en arrière à la situation de 1985, en réduisant très drastiquement le droit à l’avortement en Espagne.
Cette nouvelle loi imposera par ailleurs aux médecins et professionnels de santé espagnols qui pratiqueront un avortement des peines de prison d’une durée d’1 à 3 ans et une interdiction d’exercer leur métier pour un durée pouvant aller jusqu’à 6 ans. Cette disposition interdira également la publicité sur les offres de centres, établissements et services médicaux qui pratiquent l’interruption volontaire de la grossesse et sur les moyens, prestations et procédés existants, ce qui constitue une atteinte au droit des femmes à l’information sur les questions relatives à leur santé sexuelle et une entrave à la liberté de communication.
Le REMDH s’inquiète particulièrement des conséquences de cette réforme sur la santé des femmes. En effet, si elle est adoptée, cette loi obligera de nouveau les femmes à se soumettre à des avortements clandestins risqués ou, quand elles en auront les moyens, à voyager à l’étranger. Ceci ne fera qu’aggraver les clivages sociaux, la détresse des femmes enceintes, et la mortalité maternelle. La loi actuelle répond en revanche à une véritable demande sociale, comme le démontre les statistiques[2].
Cette réforme constituerait par ailleurs un inquiétant recul pour les droits des femmes, et serait contraire à la Recommandation Générale nº 19 du Comité CEDAW[3], ainsi que, dans le cas des jeunes femmes de moins de 18 ans dont le consentement des parents sera obligatoire, aux recommandations du Fonds des Nations Unies pour la Population[4].
Le REMDH s’inquiète par ailleurs de l’inquiétante campagne lancée dans toute l’Europe par les opposants à l’avortement[5], et demande ainsi :
- Au gouvernement espagnol de retirer cet Avant-projet de Loi qui risque de porter atteinte au droit des femmes à la vie, la dignité, à la non-discrimination, au respect de sa vie privée et familiale, à l’autonomie et au développement personnel, et à la santé y compris la santé sexuelle ;
- Aux membres du parlement espagnol à rejeter cette réforme contraire aux valeurs de liberté et d’égalité promues par l’Union Européenne.
AVORTEMENT EN ESPAGNE
CE QUI VA CHANGER SI LA LOI EST ADOPTEE PAR LE PARLEMENT
- Les dispositions actuelles du droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG)
(Loi Organique 2/2010)
- L’IVG est autorisée au cours des 14 premières semaines de grossesse
- Le délai est étendu à 22 semaines en cas de malformation du fœtus
- Il n’y a aucune condition ou restriction pour pratiquer une IVG pendant le délai légal
- Les dispositions de l’Avant-projet de loi Organique pour la protection de la vie du conçu et des droits de la femme enceinte, approuvé par le gouvernement en décembre 2013
- L’IVG sera illégale, sauf dans deux cas très restreints :
- 1°) quand la femme enceinte aura subi un viol et à condition qu’elle ait porté plainte à la police
- 2°) quand la grossesse représentera un danger grave qui provoquerait des dommages permanents ou de longue duration à la santé physique et psychologique de la femme enceinte, ce qui devra être certifié par deux médecins sans relation avec le centre médical et le praticien qui réalisera l’avortement.
- Dans les deux cas suscités, L’avortement devra être réalisé dans le courant des 22 premières semaines.
- Au-delà de ce délai, l’avortement sera autorisé seulement en cas de danger grave pour la santé psychique de la femme enceinte provoqué par une anomalie incompatible avec la vie du nouveau-né qui n’aurait pas pu être diagnostiquée auparavant.
[1] Le Parti Populaire occupe actuellement suffisamment de sièges pour s’abstenir de l’appui d’aucun autre parti de l’opposition
[2] Voir les statistiques de 2012 publiées par le Ministère de la Santé espagnol http://www.msssi.gob.es/profesionales/saludPublica/prevPromocion/embarazo/docs/IVE_2012.pdf
[3] La Recommandation Générale nº 19 du Comité CEDAW demande aux États parties «qu’ils veillent à ce que les femmes puissent décider sans entraves de leur fécondité et ne soient pas forcées de recourir à des pratiques médicales dangereuses, telles que l’avortement clandestin, faute de services leur permettant de contrôler leur fécondité ».
[4] Le Fonds des Nations Unies pour la Population demande aux gouvernements de s’engager à protéger les droits des filles à l’éducation et à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive.
[5] Une « marche pour la vie » des opposants à l’avortement a réuni quelques 16000 opposants à l’avortement à Paris le 19 janvier dernier.