Un an après la levée de l’état d’urgence, le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme – un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), leurs membres algériens la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme et le Collectif des Familles de Disparu(e)s d’Algérie, ainsi que SOS-Disparus, le Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (SNAPAP) et l’Institut du Caire pour les Etudes des Droits de l’Homme s’inquiètent de la poursuite des attaques contre les défenseurs des droits de l’Homme, et notamment contre les syndicalistes.
Le 26 février 2012 au matin, lors d’un sit-in réclamant les droits des chômeurs et travailleurs précaires devant la Maison de la Presse à Alger, 40 syndicalistes du Comité des travailleurs du pré-emploi et filet social, affilié au Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) ont été arrêtés avant d’être libérés en fin d’après-midi sans charge. Parmi eux se trouvaient Mme Malika Fallil, présidente du Comité des travailleurs du prés-emplois et filet social, et de M. Tahar Belabès, porte-parole de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC).
Le même jour, 40 enseignants contractuels, ainsi que le président et le secrétaire général du Conseil national des enseignants contractuels, affilié au SNAPAP, ont également été arrêtés lors d’un sit-in devant la Présidence de la République, à Alger, pour réclamer leur titularisation. Tous ont également été libérés sans charge dans la journée.
Ce genre d’arrestations est devenu récurrent contre certains militants des droits de l’Homme et syndicalistes, qui font l’objet d’un harcèlement policier et judiciaire constant. Ainsi, Mme Malika Fallil, et de M. Tahar Belabès, avaient déjà été arrêtés le 22 février lors d’un rassemblement devant le palais des expositions d’Alger, où ils avaient tenté d’interpeller le ministre du Travail et le représentant du Président de la République M. Belkadem Abdelaziz sur les droits des chômeurs et des travailleurs précaires. Ils avaient déjà fait l’objet de plusieurs arrestations de ce type en 2011, de même que d’autres militants syndicalistes.
Par ailleurs, MM. Hadj Aïssa Abbas et Mohamed Seddik Bouamer, représentants de la section locale de la CNDDC à Laghouat (400 km au sud d’Alger), ont été condamnés le 18 janvier 2012 en première instance à 18 mois de prison ferme pour «attroupement sur la voie publique » (art. 297-298 du Code pénal), après avoir pris part à une manifestation pacifique revendiquant les droits des chômeurs en août 2011 à Laghouat. La décision a été rendue par le Tribunal de Laghouat en l’absence des accusés, qui n’avaient reçu aucune convocation et ont fait opposition à ce jugement. Ces condamnations très lourdes constituent un message aussi clair qu’inquiétant envoyé aux syndicalistes et défenseurs des droits de l’Homme qui réclament le droit au travail et à des conditions de vie dignes.
Nos organisations dénoncent vivement ces actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme algériens, et rappellent que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” (Article 1 de la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme).
Nos organisations demandent instamment aux autorités algériennes de mettre un terme à ces actes de harcèlement, et de se conformer en toutes circonstances aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs ainsi qu’aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par l’Algérie.
Le REMDH affirme par ailleurs dans son dernier rapport, La levée de l’état d’urgence : Un trompe l’œil. Exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation en Algérie[1], que la levée de l’état d’urgence n’est qu’un trompe-l’œil derrière lequel les entraves à l’exercice des libertés publiques et individuelles ainsi que les violations des droits de l’Homme se sont aggravées, la plupart des dispositions de l’état d’urgence ayant en réalité été intégrées dans la législation ordinaire.