Le gouvernement égyptien ne tolère pas le féminisme, à part le sien !

Depuis son arrivée à la présidence de l’Egypte en 2014, Abdel Fattah al-Sisi a déclaré son soutien aux femmes égyptiennes à de multiples occasions, soulignant l’importance de l’égalité des droits et de l’autonomisation des femmes pour le développement de l’Égypte. La position féministe d’Al-Sisi s’est rapidement révélée être davantage une stratégie visant à mobiliser le soutien des femmes contre les Frères musulmans qu’un véritable engagement en faveur de l’égalité des sexes. Le discours du régime est en contradiction flagrante avec son piètre bilan en matière de droits des femmes, tel que documenté par les organisations féministes et les mécanismes internationaux.  

Le nouveau projet de loi sur le statut personnel est le dernier exemple en date du mépris du gouvernement pour les droits des femmes. Il prive les femmes de leur statut légal pour conclure un contrat de mariage ou réclamer la tutelle de leurs enfants. Le projet de loi a provoqué un tollé dans le pays et, le 13 mars dernier, le Forum Femmes et Mémoire a lancé une campagne pour dénoncer le projet de loi en utilisant le hashtag #guardianship_myright.  

Le gouvernement égyptien ne tolère aucune forme de féminisme autre que la sienne. Le Conseil national pour les femmes (NCW) est l’entité gouvernementale officielle chargée d’autonomiser les femmes et de mettre fin aux discriminations. Cependant, le NCW n’offre qu’un soutien très limité aux organisations féministes qui sont confrontées à de nombreux obstacles. Des organisations de défense des droits des femmes, telles que Nazra for Feminist Studies et le Center for Egyptian Women’s Legal Assistance (CEWLA), ont vu leurs avoirs gelés et leurs dirigeantes interdites de voyage. Il s’agit d’une tactique utilisée par le gouvernement pour les empêcher de parler de la situation des droits des femmes en Égypte. La directrice de NazraMozn Hassan, a récemment décrit les difficultés de la lutte féministe en Égypte dans le podcast d’EuroMed Droits 

Les défenseur.se.s des droits des femmes sont confronté.e.s à une hostilité sans nom dans l’Égypte d’Al-Sisi. Les Égyptiennes utilisent fréquemment les médias sociaux pour dénoncer les violences sexistes et finissent par être réduites au silence par le gouvernement. La défenseuse des droits humains Amal Fathy a été arrêtée en juin 2018 pour avoir publié une vidéo sur Facebook critiquant l’inaction des autorités dans la lutte contre le harcèlement sexuel. En 2020, trois influenceuseactives sur TikTok ont été condamnées à la prison pour avoir violé les « valeurs familiales » et « publié des vidéos sexuellement provocantes », après avoir chanté et dansé sur le réseau. Enfin, en février 2021, Solafa Magdy, femme journaliste et défenseuse des droits humains, a signalé avoir été harcelée et agressée par des policiers alors qu’elle était emprisonnée. Ses plaintes n’ont fait l’objet d’aucune enquête. En résumé, les observateur.rice.s ne doivent pas être dupes: le discours féministe de l’État égyptien n’est qu’un outil diplomatique destiné à obtenir un soutien international.