LE MONDE | A la veille du voyage du précédent président de la République en Algérie en décembre 2007, nous avons été à l’initiative d’un texte intitulé « France-Algérie, dépasser le contentieux historique », publié par deux quotidiens français (Le Monde et L’Humanité du 1er décembre 2007) et deux quotidiens algériens, Al Khabar et El Watan.
TOUTE POLARISATION MÉMORIELLE
Il demandait aux plus hautes autorités de la République française de reconnaître que la conquête et le système colonial en Algérie étaient en contradiction avec les principes dont elle se réclamait.
Ecartant la notion de « repentance », ainsi que toute histoire officielle et toute polarisation mémorielle sur une seule catégorie de victimes, il en appelait à un travail historique indépendant.
Cinq ans plus tard, alors que François Hollande s’apprête à faire à son tour une visite présidentielle en Algérie, ces constats et ces demandes n’ont rien perdu de leur actualité, à commencer par celle de cette reconnaissance par la France, nécessaire pour faire advenir une ère nouvelle dans les relations entre les deux pays.
Elle doit remettre en cause la grille de lecture du monde du XIXe siècle qui lui a permis de soutenir un système inique, trop longtemps tenu pour une entreprise normale.
C’est la raison pour laquelle nous exprimons de nouveau la demande aux plus hautes autorités de la République française de reconnaître publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie.
Tout en reprenant à notre compte, deux ans après le début du « printemps arabe », les remarques que formulent les intellectuels algériens du Cercle Nedjma, Madjid Benchikh, Ahmed Dahmani, Mohammed Harbi et Aïssa Kadri, qui expriment pour leur pays l’exigence d’une évolution démocratique de l’Algérie vers un Etat de droit respectueux des libertés.
DÉPASSER LE CONTENTIEUX COLONIAL
Nous souscrivons à l’idée que la manière d’aborder les questions économiques par les deux Etats doit aller au-delà des seuls contrats industriels et commerciaux pour porter sur le développement des nouveaux secteurs de l’économie ainsi que sur des programmes de formation, de recherche et de transfert de technologie.
Et les rapports entre les deux pays étant aussi faits de nombreuses relations humaines et familiales, cela implique que les Etats facilitent la circulation des personnes.
En faisant écho à ces préoccupations, nous voulons exprimer l’idée qu’à la nécessité de dépasser le contentieux colonial s’ajoute celle de soutenir dans l’Algérie d’aujourd’hui toutes les aspirations à la justice et à la démocratie.
Ce mouvement auquel nous appelons aura sans aucun doute des répercussions bien au-delà des deux pays.
Il devra préfigurer les relations futures entre nations du Sud et du Nord, soumises enfin au paradigme de l’égalité universelle entre tous les hommes.
Etienne Balibar, philosophe ; Simone de Bollardière, présidente d’honneur de l’Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre; Raphaëlle Branche, Jacques Frémeaux, historiens ; François Gèze, éditeur ; Stéphane Hessel, résistant; Jean-Charles Jauffret, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, historiens; Eric Savarèse, professeur de science politique; Emmanuel Terray, anthropologue ; Michel Tubiana président du Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme (REMDH).
Le Monde: Le contentieux colonial entre la France et l’Algérie doit être enfin dépassé