Le 11 août 2017, la Tunisie a adopté une loi relative à l’élimination des violences faites à la femme, marquant ainsi une avancée significative dans la lutte contre les violences faites aux femmes et l’aboutissement de plusieurs décennies d’efforts de plaidoyer menés par la société civile tunisienne.
Cette loi intègre toutes les formes de violences contre les femmes, qu’elles soient physiques, sexuelles, morales, économiques ou même politiques dont elle considère que la cause réside dans la discrimination entre les hommes et les femmes. Elle contient quatre volets : la prévention, la protection, la prise en charge et les poursuites. Le volet prévention comporte essentiellement la formation de tous les intervenants et l’éducation dans l’égalité entre les sexes et la non-violence. Celui de la protection et prise en charge comporte notamment les ordonnances de protection qui permettent d’éloigner l’agresseur du domicile de la victime et l’accès à différents services (assistance médicale, juridique et soutien psychologique. En ce qui concerne les poursuites de nouveaux faits qui ont été incriminés, comme le harcèlement moral dans le couple, le harcèlement moral, la discrimination dans le salaire et le grade, l’inceste est nommé et les auteurs de viols ne peuvent plus échapper à la condamnation en épousant leurs victimes.
Cette nouvelle loi est toutefois loin d’être idéale, car elle présente de graves lacunes. Elle criminalise en effet les rapports sexuels entre mineurs de 16 à 18 ans et ne prévoit aucune disposition expresse incriminant le viol conjugal.
Les principaux problèmes se posent cependant au niveau de sa mise en œuvre. Quatre mois se sont écoulés depuis l’adoption de cette loi, mais aucun texte d’application n’a été promulgué à ce jour. Le système de protection (assistances téléphoniques, refuges, soutien psychologique, etc.) prévu par la loi n’est toujours pas mis en place, le budget n’a pas été défini et aucun calendrier n’a été fixé pour sa mise en œuvre. En outre, aucun engagement spécifique n’a été pris à l’égard du budget, ce qui signifie que les activités d’aide et de soutien ne peuvent être financées qu’au moyen de ressources déjà disponibles. Or, les organisations de la société civile ne disposent pas de financements durables ou à long terme de l’État pour offrir cette aide.
De même que le système de protection, la structure de contrôle n’a pas encore été mise en place. L’article 39 de la loi intégrale prévoit la création d’un Observatoire national de lutte contre les violences faites aux femmes, mais celui-ci n’a pas encore été mis sur pied et aucun calendrier n’est prévu à cet égard non plus. De plus, aucune initiative n’a été prise pour inclure la société civile indépendante dans ce futur Observatoire, qui dépend actuellement du ministère des Affaires de la Femme et de la Famille. Dès lors, en l’absence de véritable mécanisme indépendant, comprenant des représentants de la société civile, il est impossible de surveiller de manière adéquate la mise en œuvre de cette loi.
Les failles et les problèmes de mise en œuvre de cette loi intégrale montrent à quel point il est important que la Tunisie adhère à la Convention d’Istanbul, qui lui permettrait d’accéder au mécanisme de suivi GREVIO. Cette adhésion exigerait également de la Tunisie qu’elle adapte sa législation aux dispositions de la Convention, remédiant ainsi aux lacunes de la loi intégrale.