La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les conséquences de décennies de privatisation et de commercialisation de services essentiels à la réalisation des droits humains. La COVID-19 a frappé de plein fouet les pays de la région MENA, qui souffrent d’un manque chronique d’investissements dans le système de santé publique et d’une pénurie importante de ressources humaines dans les secteurs de l’enseignement, de la médecine, de l’art infirmier et du travail social.
Cette situation est la conséquence de la libéralisation économique, de la privatisation et des mesures d’austérité promues depuis les années 1980 par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Les mesures d’austérité les plus courantes dans le monde arabe ont consisté à réduire les subventions pour les produits de base, à réduire ou geler les salaires du secteur public, à augmenter les taxes à la consommation et à réformer les systèmes de retraite et les filets de sécurité sociale. Cela a eu pour conséquence directe de dépouiller les secteurs publics.
Par exemple, dans le cadre de son accord avec le FMI de 2016, l’Égypte a taillé dans son secteur public, entraînant une baisse des salaires totaux du secteur public de 8,1% du PIB en 2014 à 5,3% du PIB en 2018. En 2020-2021, l’Égypte n’a alloué que 1,37% de son PIB à la santé, alors que sa Constitution de 2014 exige que le gouvernement y consacre au moins 3%. Lorsque la pandémie a frappé, le système de santé était sous-financé et manquait de personnel.
Le secteur public de la région MENA est réduit à sa plus simple expression lorsqu’il s’agit de dépenses sociales : l’aide sociale est loin d’être universelle et prend généralement la forme de transferts en espèces, de régimes d’assurance sociale liés aux revenus et de subventions pour la nourriture et le carburant. La région se caractérise également par de faibles niveaux de dépenses publiques en matière d’éducation et de santé, alors que les dépenses privées en matière de santé sont relativement élevées. Ce qui signifie que les personnes les plus vulnérables de la société ont un accès limité aux services de santé.
De telles politiques ne réduiront pas les inégalités socio-économiques et les inégalités de genre qui frappent la région.
Un manifeste mondial pour les services publics
La pandémie a stimulé la demande publique pour le rétablissement de services publics essentiels. Des mouvements ont vu le jour pour réclamer des alternatives aux modèles fondés sur le marché qui n’ont pas réussi à garantir une vie digne pour tou.te.s.
En octobre 2021, des organisations de la société civile et des mouvements citoyens ont lancé un manifeste mondial appelant à une approche renouvelée des services publics. Ce manifeste a pour objectif de répondre à la crise écologique et aux inégalités rampantes auxquelles le monde est actuellement confronté, en offrant une alternative concrète au modèle néolibéral dominant qui a échoué à réaliser les droits humains et à assurer une vie digne à tou.te.s.
Le manifeste positionne les services publics comme le fondement d’une société équitable et juste, un pacte social qui met en œuvre les valeurs fondamentales de solidarité, d’égalité et de dignité humaine. Une réunion stratégique de la société civile se tiendra dans la région MENA au début de l’année 2022, afin de développer des stratégies communes de campagne, de plaidoyer et d’action sur les services publics, en s’appuyant sur le manifeste.
La pandémie a renforcé le besoin urgent d’un changement de direction dans la région MENA. De nouvelles politiques transformatrices sont nécessaires pour corriger les inégalités et construire des sociétés pleinement inclusives et résilientes, capables de répondre aux pressions découlant des crises mondiales.
Les services publics sont essentiels pour la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels tels que le droit à la santé. Comme indiqué dans le manifeste, le financement de ces services est possible grâce à une fiscalité équitable et à des mécanismes de solidarité nationaux et mondiaux (comme l’annulation de la dette).
L’Union européenne a également un rôle à jouer en soulignant que les services publics doivent être protégés de l’économie de marché, de la commercialisation et de la financiarisation, au sein et en dehors de l’UE. Cela devrait se refléter dans les futures politiques de voisinage de l’UE et dans les accords commerciaux bilatéraux avec des pays sud-méditerranéens.
Frederik Johannisson, chargé du programme « droits économiques et sociaux » à EuroMed Droits et Sarah K Jameson, Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights
Les membres de la société civile qui souhaitent s’impliquer dans la stratégie de la société civile de la région MENA évoquée ci-dessus peuvent contacter Sarah à l’adresse [email protected].