Le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH) saisit l’occasion de cette journée internationale pour témoigner de la situation indigne faite aux migrants subsahariens à la frontière algéro-marocaine, en publiant « Maghnia : franchir la frontière infranchissable ».
Voici un an jour pour jour, le REMDH exprimait déjà son inquiétude quant à la condition des migrants et réfugiés à la frontière.
Le rapport publié aujourd’hui est le fruit de deux missions d’enquête menées en novembre 2012 puis en juin 2013 à Maghnia, ville algérienne située à la frontière du Maroc. Ses conclusions illustrent la situation inhumaine des migrants et réfugiés qui y résident.
Les expulsions, depuis et vers le Maroc – conduites illégalement – se produisent fréquemment et continuent à cibler même des groupes vulnérables, tels que les femmes enceintes ou les mineurs non-accompagnés. Au cours des expulsions, les migrants sont confrontés à diverses violations de leurs droits, telles que des vols, des coups et d’autres brutalités. Nombre d’obstacles entravent l’accès des réfugiés à la protection internationale : l’absence du HCR dans la région et son accès limité au pays en dehors d’Alger, mais aussi la déficience du dispositif de demande d’asile en Algérie, alors même que le pays est signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Protocol de 1967 ainsi que la Convention de l’Union Africaine sur les réfugiés de 1969.
Les résultats d’enquête démontrent que les migrants et les réfugiés vivent dans des conditions désastreuses, souffrant de malnutrition, de maladies chroniques et de blessures reçues au cours des expulsions et des interventions frontalières ; ils n’ont, qu’un accès réduit voire inexistant aux soins médicaux. Alors qu’il existe des opportunités d’emploi, les migrants, n’étant pas protégés par la loi, sont exposés aux maltraitances et à l’exploitation de la part des employeurs. Cela, malgré que l’Algérie soit signataire de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Aucune organisation de la société civile n’est présente à Maghnia, ce qui aggrave la vulnérabilité de ces populations.
Alors que Maghnia a été l’un des principaux points de passage migratoire en Afrique du Nord, par lequel ont transité des milliers de migrants subsahariens vers le Maroc lors de la dernière décennie, le rapport montre qu’un nombre croissant de migrants et de réfugiés se trouvent aujourd’hui «en panne» à ce carrefour. L’externalisation accrue du contrôle européen des frontières – qui pourrait prochainement inclure un accord de réadmission entre le Maroc et l’UE – non seulement entrave l’accès à la protection à ceux qui peuvent légitimement y prétendre, mais aggrave la vulnérabilité des migrants et des réfugiés en encourageant des pratiques et des politiques sabotant leurs droits.
La situation à la frontière algéro-marocaine illustre la façon dont les droits des migrants et des réfugiés sont quotidiennement bafoués dans la région euro-méditerranéenne. Dans un tel contexte, la responsabilité des autorités marocaines et algériennes serait d’établir des structures et des lois concordant avec les conventions internationales ; celle de l’Union Européenne et de ses États membres serait de contribuer au respect des droits de l’Homme dans la région du Maghreb et de garantir que les accords de coopération n’encouragent ni ne tolèrent les violations des droits des migrants et des réfugiés à ses frontières.