L’examen de l’Algérie dans le cadre de l’Examen Périodique Universel (EPU) a mis en évidence, le 29 mai 2012, les préoccupations de plusieurs Etats membres de l’ONU en ce qui concerne les entraves à l’exercice des libertés publiques et le traitement du dossier des disparus. Selon les conclusions de plusieurs Etats à l’issue de l’EPU, les lois adoptées en janvier 2012 sur les associations, l’information et les partis politiques, contrairement aux affirmations du gouvernement algérien, ne sont pas conformes aux dispositions du Pacte international sur les droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie.
Nos organisations, qui n’ont eu de cesse de se mobiliser contre les nouvelles lois entrées en vigueur en janvier 2012, accueillent très favorablement les recommandations formulées par certains Etats, pour que l’Algérie révise sa législation en matière de liberté d’association, d’expression, de rassemblement afin de la mettre en conformité avec les conventions internationales qu’elle a ratifiées. Ces nouvelles lois codifient les pratiques abusives déjà mises en œuvre par l’administration à l’encontre des organisations de la société civile indépendante, en particulier lorsqu’elles réclament le respect des droits de l’Homme[1]. Elles s’inscrivent dans un contexte de détérioration des droits de l’Homme, qu’ils soient civils et politiques ou encore économiques, sociaux et culturels. En témoigne le mépris affiché par les autorités à l’égard des greffiers, dont plusieurs femmes, en grève de la faim depuis plus d’un mois pour attirer l’attention sur leur situation professionnelle[2].
La question de la discrimination à l’encontre des femmes en Algérie à la fois sur le plan légal et social a également été au centre des préoccupations de la plupart des interventions qui ont insisté sur la suppression de toutes les lois discriminatoires à l’encontre des femmes en particulier le Code de la famille. Les intervenants ont également appelé à lutter contre toute forme de violences faites aux femmes et en particulier les violences conjugales ainsi que les stéréotypes et les attitudes négatives sur les femmes et leurs rôles dans la société.
Par ailleurs, la lutte contre l’impunité et les disparitions forcées ont également été au centre des préoccupations. Nos organisations tiennent à saluer les délégations des Etats membres du groupe de travail sur l’EPU qui ont insisté sur le combat des familles de disparus et leur droit d’obtenir la vérité et la justice en rappelant l’obligation de l’Algérie de lutter contre l’impunité et de mener des enquêtes efficaces et diligentes afin que la lumière soit faite sur le sort des disparus.
La délégation algérienne, en la personne du Conseiller du Président de la République, Kamel Rezzag Barra, n’a répondu aux questions relatives aux disparitions forcées que par des généralités et des contre-vérités. La pratique généralisée des disparitions forcées par les agents de l’Etat a été niée et les disparus ont été calomniés, encore une fois assimilés à des terroristes que l’Etat algérien aurait pris en compte dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale par charité et non en reconnaissance de sa culpabilité du fait des actions menées par ses agents. Le Conseiller Rezzag Barra a mentionné le cas de 65 personnes disparues qui auraient été localisées en prison ou de retour chez elles. Nos organisations demandent donc au gouvernement algérien de permettre aux organisations de familles de disparus d’entrer en contact avec ces personnes afin de vérifier la véracité de ces propos.
Par ailleurs, Kamel Rezzak Bara a annoncé que l’Algérie travaille actuellement avec le Groupe de Travail sur les Disparitions Forcées (GTDF) des Nations Unies, en vue d’une éventuelle visite sur place. Le GTDF demande en vain cette invitation depuis le 25 août 2000. Suite au rappel du 21 octobre 2010, une visite du GTDF est désormais envisagée publiquement par les autorités algériennes, mais sous des conditions contraires au mandat du GTDF et à ses méthodes de travail qui visent à assurer son indépendance, son impartialité et l’effectivité de son mandat humanitaire. Ainsi, il ne serait pas permis aux membres du GTDF d’entendre d’autres revendications pourtant légitimes, telles que celles portées par les familles de disparus membres du CFDA-SOS disparus et par d’autres organisations comme la LADDH, la Coalition des associations des victimes des années 1990 et le SNAPAP, qui mettent en avant l’injustice de la Charte et qui revendiquent toujours la vérité et la justice.
Nos organisations appellent donc les autorités algériennes mais aussi le GTDF à assurer que cette visite, si elle se confirmait, se tienne de manière libre et indépendante et que le Groupe de travail puisse s’entretenir, à sa convenance, avec toute organisation et toute personne qu’il estimera utile de rencontrer.
Nos organisations rappellent, enfin, que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, les Rapporteurs spéciaux sur la torture et sur la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte anti-terroriste ainsi que le Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires demandent sans succès depuis plusieurs années d’être invités en Algérie. De même, les organisations non-gouvernementales internationales de défense des droits de l’Homme n’ont pas eu accès au pays depuis plusieurs années.
Sur la question des disparitions forcées, comme en ce qui concerne l’ensemble des points soulevés, il incombe au Gouvernement algérien de mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été adressées dans le cadre de l’EPU pour que la lutte contre l’impunité et la protection des libertés et des droits fondamentaux deviennent une priorité.
En particulier, nos organisations demandent aux autorités algériennes de :
- Réviser la législation en matière de liberté d’association, d’expression, de rassemblement afin de la mettre en conformité avec les conventions internationales notamment les dispositions du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) ;
- Garantir la liberté d’expression et de manifestation de l’ensemble des syndicalistes et défenseurs des droits de l’Homme en Algérie qui revendiquent leurs droits de manière pacifique et garantir en toute circonstance leur intégrité physique et psychologique;
- Ratifier sans délai la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;
- Consacrer l’égalité de droit entre les femmes et les hommes et abolir toutes les mesures discriminatoires à l’égard des femmes, en particulier dans le Code de la famille, et lever les réserves à la CEDAW ;
- Inviter les différents Rapporteurs spéciaux des Nations Unies qui en ont fait la demande, notamment :
– Le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association ;
– Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte anti-terroriste;
– Le Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ;
– Le Rapporteur spécial sur la torture ;
– Le Groupe de travail sur la détention arbitraire ;
– Le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires.
Donner une suite favorable aux demandes de nombreuses organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme d’envoyer des délégations en Algérie.
Associations signataires :
Réseau Euro-Méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)
Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA)
Ligue Algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH)
Syndicat National autonome du personnel de l’administration publique (SNAPAP)
Syndicat nationale autonome des travailleurs de fabrication et transformation de papier et emballage (SNAT-FTPE)
Réseau des avocats pour la défense des droits de l’Homme (RADDH)
Agir pour le changement démocratique en Algérie (ACDA)
Associazione Ricreativa e Culturale Italiana (ARCI)
Solidaritat per al Desenvolupament i la Pau (SODEPAU)