Communiqué de presse
Bruxelles, le 4 mars 2019
EuroMed Droits est extrêmement préoccupé par les amendements constitutionnels actuellement examinés par le Parlement égyptien. Ces amendements, qui pourraient permettre au président Abdel Fattah Al-Sissi de rester au pouvoir jusqu’en 2034, vont à l’encontre de la Constitution égyptienne. En effet, celle-ci interdit toute modification des dispositions relatives à la réélection présidentielle et aux limitations de mandat. Ces amendements constitutionnalisent en outre le manque d’indépendance du système judiciaire et affaiblissent encore plus la séparation des pouvoirs, en conférant à l’armée des pouvoirs sans contrôle et en la plaçant au-dessus de toutes les autorités élues.
Une fois révisée, la Constitution consacrera la compétence étendue des tribunaux militaires d’exception dans les affaires impliquant des civils, comme le prévoyait auparavant une loi présentée par le président Al-Sissi en 2014, qui donnait compétence à l’armée pour protéger les bâtiments publics, assurant ainsi que toute personne accusée de les « attaquer » soit jugée devant un tribunal militaire. Les amendements constitutionnels dont il est question sont vivement critiqués par plusieurs ONG égyptiennes indépendantes de défense des droits humains.
EuroMed Droits exhorte l’Union européenne et ses États membres, ainsi que la communauté internationale, à condamner publiquement et fermement ces amendements avant que ceux-ci ne soient approuvés par le Parlement égyptien et qu’il ne soit trop tard.
Cette initiative visant à modifier la Constitution est la dernière étape de consolidation du pouvoir autoritaire dans un contexte de répression généralisée de la société civile, qui s’est considérablement aggravée depuis l’arrivée au pouvoir du président Al-Sissi. Détentions arbitraires, interdictions de voyager, gel des avoirs, fermetures d’établissements et campagnes d’intimidation : il ne semble y avoir aucune limite. La dernière vague de répression a entraîné des arrestations de masse ainsi que la disparition forcée de plusieurs défenseurs des droits humains, journalistes, avocats et militants. On retiendra l’exemple de l’avocat spécialisé dans les droits humains Ezzat Ghoneim, qui a réapparu le 13 février après cinq mois de détention au secret. La situation préoccupante des défenseurs de droits humains a incité le Parlement européen à adopter une résolution d’urgence à ce sujet en décembre 2018.
Les lois répressives, de même que la politisation accrue de l’appareil judiciaire et le non-respect des droits humains, y compris les droits consacrés dans la Constitution égyptienne, favorisent en outre un climat d’impunité. Récemment, les autorités égyptiennes ont fait amplement recours à la peine de mort : neuf personnes ont été exécutées à l’issue d’un procès de masse pour l’assassinat du procureur général Hisham Barakat en 2015. Les personnes exécutées auraient été torturées pour obtenir leurs aveux. Six autres personnes ont été mises à mort le 7 et le 13 février. Ces exécutions sont les dernières d’une série extrêmement préoccupante de condamnations à mort prononcées à l’issue de procès iniques. Le porte-parole du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a fait part de ses préoccupations à ce sujet. En février 2018, le Parlement européen avait déjà adopté une résolution d’urgence sur les exécutions en Égypte.