Dans le cadre de la vague actuelle de répression contre les voix dissidentes en Égypte, le pouvoir judiciaire du pays a condamné Alaa Abdel Fattah et ses co-accusés à de lourdes peines de prison à l’issue d’un procès dépourvu des normes les plus fondamentales en matière d’impartialité.
Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) est horrifié que la Chambre spéciale de Tora ait décidé hier de condamner le militant pro-démocratie Alaa Abdel Fattah à cinq ans de prison et à une amende de 100 000 EGP pour avoir enfreint la loi de 2013 sur les manifestations.
Le verdict est tombé à l’issue d’un nouveau procès contre 25 accusés précédemment condamnés à 15 années de prison pour avoir participé à une manifestation. Les autres accusés ont été condamnés à des peines de trois ans et les peines de 15 ans de rétention ont été maintenues pour les accusés qui ne se sont pas présentés au procès. Bien qu’un appel puisse être introduit devant la Cour de cassation, la procédure devrait prendre au moins un an.
Abdel Fattah, blogueur engagé, est l’une des figures emblématiques de la révolution de 2011 qui a mené à la chute d’Hosni Moubarak. Depuis lors, Abdel Fattah fait des allers-retours en prison pour avoir manifesté contre le jugement de civils devant des tribunaux militaires et, par la suite, pour s’être opposé au président Mohammed Morsi du parti des Frères musulmans. Le 11 juin 2014, il a été condamné à 15 ans de prison pour avoir « participé à une manifestation », « agressé un officier de police » et « appelé à la manifestation ».
Depuis son adoption en novembre 2013, la loi égyptienne draconienne sur les manifestations a permis aux autorités d’entamer des procédures judiciaires motivées sur le plan politique contre des voix dissidentes du pays. Cette loi a permis aux autorités d’avancer l’argument de la responsabilité collective et d’imposer des sanctions disproportionnées, en violation de la Constitution égyptienne et du droit international. Depuis la prise de pouvoir par l’armée en 2013, cette dernière a incarcéré des milliers d’Égyptiens afin d’assoir son autorité et de museler l’opposition.
Le REMDH a observé ce procès et en a conclu que les normes en matière de procès équitable n’avaient pas été respectées. Comme le démontre le Rapport d’observation du procès rédigé par le REMDH, l’accusation n’a pas présenté d’éléments de preuve crédibles contre les accusés. Ce procès illustre la complicité flagrante du procureur général, du ministère de l’intérieur et du pouvoir judiciaire pour criminaliser la dissidence politique et dissuader la population de s’engager politiquement.
Le REMDH réclame la libération immédiate d’Abdel Fattah et de ses co-accusés. Il exhorte également le pouvoir judiciaire égyptien à renforcer son indépendance et son impartialité, ainsi qu’à exercer ses fonctions en conformité avec les normes internationales en matière de procès équitable.