Alors que le dixième anniversaire de la révolution de 2011 approche, les grands espoirs de réforme portés par les Egyptiens il y a près d’une décennie ont été anéantis par des années de dictature brutale.
La récente répression contre l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR) est le dernier exemple en date du mauvais tour qu’a pris la lutte pour les droits humains en Egypte et ce, malgré le travail courageux, dans des conditions intenables, des défenseurs.ses des droits humains. Patrick Zaki, chercheur à l’EIPR, est en détention provisoire pour des accusations sans fondement depuis février, date à laquelle il a été porté disparu et aurait été torturé. Au mois de novembre, trois membres exécutifs de l’EIPR ont été arrêtés et accusés de terrorisme, apparemment en représailles pour une réunion avec des diplomates occidentaux. Ils ont été libérés sous caution le 3 décembre après de nombreuses interventions internationales et plusieurs appels de célébrités, mais leurs avoirs ont été gelés et les charges demeurent.
Mis à part l’intervention hollywoodienne, cette affaire est malheureusement monnaie courante pour les défenseurs.ses des droits humains en Égypte, dont la société civile autrefois dynamique a été décimée par une répression brutale. Des milliers de personnes sont arbitrairement placées en détention provisoire, souvent pendant des années, les prisons sont surpeuplées et insalubres, et la pratique de la torture est devenue systématique. Des docteurs sont emprisonnés pour avoir critiqué la gestion de la pandémie, des femmes sont détenues pour avoir posté des vidéos sur TikTok et celles et ceux qui s‘expriment pour défendre les victimes de viol sont enfermés.
Pendant ce temps, l’UE et ses États membres (à l’exception notable du Parlement européen) tentent toujours d’apaiser leur homologue égyptien. Le Président français l’a clairement exprimé le 7 décembre dernier: « Je ne conditionnerai pas notre coopération en matière de défense comme en matière économique à ces désaccords », avant de remettre la Légion d’Honneur au Président Sisi.
Vendre un avion de combat français a aujourd’hui plus de valeur que quelques milliers de personnes qui pourrissent ou meurent en prison.
L’UE alimente ainsi une instabilité critique générée par l’absence d’espace pour l’expression et la dissidence : c’est une bombe à retardement. Les États membres doivent abandonner leur politique purement déclarative en matière de droits humains et agir conformément à leur volonté de promouvoir les droits humains en Égypte, ce que les ONG recommandent déjà depuis longtemps. Sinon l’UE répétera les erreurs d’avant 2011 et se réveillera à nouveau avec un sérieux mal de tête.