Egypte : dix ans après la place Tahrir, l’UE répète les mêmes erreurs

En 2011, l’un des principaux enseignements tirés par l’UE des soulèvements arabes fut le suivant : s’acoquiner avec des dictateurs tout en soutenant la société civile de manière superficielle (et non de manière significative et politique) est la recette du désastre.

Et pourtant, dans la décennie qui a suivi, l’UE et ses États membres ont répété exactement la même erreur.

Ils sont pleinement conscients de la gravité de la crise des droits humains en Égypte, mais ils n’ont pas pris de mesures significatives pour y remédier. Au contraire, les gouvernements européens ont progressivement normalisé leurs relations avec l’Égypte et ont soutenu le régime dal-Sissi en lui vendant des armes et en renforçant la coopération, tout en envoyant des messages tièdes sur la protection de la société civile. Certains sont même allés jusqu’à décerner des prix prestigieux au Président al-Sissi et à d’autres hauts fonctionnaires. 

Durant la dernière décennie, tous les voyants relatifs aux droits humains en Égypte sont passés au rouge vif. Les élections ont servi à entériner le régime; la séparation des pouvoirs a été érodée; la pauvreté et les disparités économiques ont augmenté; les exécutions extrajudiciaires, la torture et la détention arbitraire sont devenues monnaie courante et la société civile a été écrasée. Rien que l’année dernière, le régime a utilisé les pouvoirs d’urgence qu’il s’était accordé pendant la pandémie de COVID-19 pour accroître le pouvoir du président et arrêter les défenseurs.ses des droits humains, les militant.e.s pacifiques et les journalistes, les ajoutant souvent à la liste des terroristes. Les autorités ont brutalement écrasé des manifestations pour la plupart pacifiques; elles ont arrêté des médecins et des journalistes pour avoir critiqué la gestion de la pandémie, ont encore réduit les droits des femmes et ont adopté les statuts (toujours non publiés) d’une loi extrêmement répressive sur les ONG. 

Il y a un an, EuroMedDroits et d’autres ONGs écrivaient à l’UE pour exiger une révision complète des relations entre l’UE et l’Égypte au vu de la répression permanente et sans précédent des droits humains dans le pays. Cet appel faisait écho à une demande du Parlement européen datant d’octobre 2019. L’appel a été réitéré en décembre 2020 et l’intensification de la répression menée par le gouvernement égyptien montre à quel point il reste crucial. Ce 25 janvier, l’UE marque les dix ans de la révolution égyptienne avec une discussion au Conseil des affaires étrangères. Cet anniversaire important actionnera-t-il enfin le signal d’alarme incitant l’UE à prendre de réelles mesures?