Il y a dix ans, alors que les manifestations commençaient en Tunisie et que des mouvements similaires émergeaient à travers la région MENA, les femmes bravèrent les obstacles et descendirent dans la rue aux côtés des hommes pour exiger une plus grande liberté (politique), plus de dignité et davantage de droits civils.
En mettant ces demandes sur le même niveau que leurs appels à l’égalité et au respect envers les femmes, elles firent fi des stéréotypes et normes de genre qui les cloisonnaient dans un rôle et ce, afin de réclamer publiquement leur identité d’actrices politiques.
Malgré les menaces réelles de représailles, de répression ou de violences sexuelles à leur égard, les activistes ont persévéré sans ciller.
En utilisant les plateformes en ligne et les nouvelles technologies pour diffuser des messages et dénoncer les mauvaises pratiques du gouvernement et de la police, les femmes tunisiennes et égyptiennes (et leurs homologues dans la région) se sont rassemblées pour faire prospérer ces mouvements naissants. Citons notamment le blog « Une fille tunisienne » de Lina Ben Mhenni, les vidéos virales d’Asmaa Mahfouz, les tweets et les publications depuis son exil français d’Amira Yahyaoui, l’activisme en ligne de la « Facebook Girl » Esraa Abdel Fattah… La liste est longue.
Après dix années mouvementées, les femmes de la région ont engrangé plusieurs succès (l’introduction de la Loi sur l’élimination des violences contre les femmes en Tunisie en 2017 par exemple) et subi des échecs cinglants (de nouvelles campagnes visant les défenseuses des droits humains en Egypte).
Retracer l’héritage de l’activisme féminin durant les soulèvements arabes est un processus complexe. Beaucoup de chemin reste encore à parcourir. Mais si l’année passée nous a montré la nature endémique de la violence contre les femmes à travers le monde, nous assistons aussi à une croissance exponentielle des interconnections entre les mouvements des femmes dans la région MENA, les espaces numériques et de nouvelles formes d’activisme. Pour paraphraser l’universitaire Amel Grami, nous sommes passés d’une armée « d’universitaires militantes » à des mouvements populaires de femmes comme Assault Police, EnaZeda ou le Collectif Chaml. L’activisme numérique de jeunes femmes organisées en collectifs toujours plus nombreux contribue à la croissance de réseaux féministes transnationaux. Ces derniers maintiennent au cœur du débat les questions cruciales relatives aux droits des femmes ; des droits qui ont été défendus, dans la rue et sur les places, en 2011.