A l’occasion du 9ème anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique,plus connue sous le nom de Convention d’Istanbul, et avec la montée des campagnes et mouvements anti-genre dans la région Euro-méditerranéenne, EuroMed Droits réitère l’importance de cette Convention, en particulier dans le climat actuel de recul de l’égalité de genre dans la région euro-méditerranéenne.
Entrée en vigueur le 1er août 2014, cette Convention représente l’instrument juridique international le plus avancé pour définir des obligations contraignantes pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, en s’attaquant à toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes et des filles dans toute leur diversité, y compris la violence domestique. Elle offre également des indications pratiques sur la manière dont les citoyen·nes et les ONG peuvent apporter un réel changement.
La Convention utilise le terme « genre » pour souligner que les inégalités, les stéréotypes et la violence ne sont pas fondées sur des différences biologiques, mais des préjugés néfastes sur les attributs et les rôles des femmes dans la société. Or on observe une multiplication des récits et de campagnes anti-genre dans toute la région euro-méditerranéenne, avec des partis et mouvements d’extrême droite utilisant le terme « genre » pour diviser et faire reculer les droits des femmes et les avancées des personnes LGBTQI+, comme le montre notre « Backlash map »,un outil développé par EuroMed Droits pour surveiller les backlashes envers l’égalité de genre dans la région. Au coeur de ces développements, la Convention d’Istanbul se trouve, dans tous les sens du terme, « prise entre deux feux ».
Dans l’Union européenne, les 27 États membres ont signé la convention. 21 l’ont ratifiée, mais parmi eux, le principal parti polonais (PiS) a déclaré en 2020 la possibilité de se retirer entièrement de la Convention d’Istanbul pour protéger les enfants et les valeurs familiales traditionnelles. Dans les six États membres qui ont signé mais pas encore ratifié la Convention – Bulgarie, République tchèque, Hongrie, Lettonie, Lituanie et République slovaque -, certains ont invoqué des arguments similaires pour justifier cette décision. La Hongrie, par exemple, a refusé de ratifier la Convention au motif qu’elle promeut une « dangereuse idéologie du genre », tandis que le tribunal bulgare a déclaré que sa ratification serait anticonstitutionnelle. La mise en œuvre la plus claire de ce discours a été le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul par le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan en juillet 2021, affirmant qu’elle avait été « détournée par un groupe de personnes tentant de normaliser l’homosexualité » et de saper les valeurs sociales et familiales du pays.
Sur la rive sud de la Méditerranée, le Maroc, la Tunisie et Israël ont été invités à signer la convention d’Istanbul. Cependant, les gouvernements actuels de Tunisie et d’Israël ont déjà déclaré ne pas vouloir poursuivre le processus de signature et de ratification. Lors du dernier examen périodique universel en 2022, le gouvernement tunisien a pris note des recommandations de plusieurs pays de ratifier la Convention, soulignant toutefois que cette dernière contenait des termes tels que « genre » ou « orientation sexuelle et identité de genre » qui ne correspondaient pas à la réalité tunisienne. Le gouvernement israëlien a déclaré en décembre 2022 ne pas approuver l’adhésion du pays à la Convention d’Istanbul, étant préoccupé par les clauses accordant l’asile aux victimes de violence domestique.
En ce 1er août et dans un monde où la violence fondée sur le genre touche une femme sur trois au cours de sa vie, EuroMed Droits rappelle que la violence contre les femmes et les filles est l’une des violations des droits humains les plus dévastatrices et que la Convention d’Istanbul reste l’outil juridiquement contraignant le plus complet pour protéger et prévenir ce phénomène.