Devant la stupeur et l’indignation de l’opinion publique suite au décès tragique de plus de 900 personnes, parmi lesquelles des réfugiés fuyant la guerre et les persécutions en Syrie, en Érythrée et en Libye, le Conseil européen a tenu un sommet « d’urgence ». Après avoir observé une minute de silence en hommage à ces victimes dont la mort aurait pu être évitée, les dirigeants de l’Union européenne (UE) sont retournés à leurs affaires.
Le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme regrette sincèrement que ses recommandations n’aient pas été prises en compte dans les conclusions du Conseil, qui sont loin de répondre aux attentes tant politiques que morales.
Face aux tragédies humaines, l’UE semble plus déterminée que jamais à affermir son contrôle, à mener ses opérations d’expulsion et même à intensifier la coopération militaire. Plutôt que de renforcer les mécanismes de recherche et de sauvetage (SAR) en place dans toute la Méditerranée en vue de sauver davantage de vies, les décideurs européens ont triplé le budget de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’Union européenne (Frontex), qui n’est pas compétente en matière de recherche et de sauvetage, afin de mener ses opérations conjointes Triton et Poséidon sans toutefois définir les zones couvertes.
Insensibles aux véritables raisons qui poussent ces individus désespérés à risquer leur vie en mer, les décideurs européens se sont engagés à sévir contre les « trafiquants » et détruire leurs embarcations. Toutefois, les passeurs ne sont pas la cause mais la conséquence du manque de filières migratoires légales pour rejoindre l’UE. L’UE ne respecte pas ses engagements juridiques et moraux et expose ainsi les migrants et les réfugiés au risque d’exploitation et de décès.
En dépit des appels lancés par la Commission européenne, les Nations Unies, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales de l’UE afin de multiplier les filières de migration légales et réinstaller un plus grand nombre de réfugiés, notamment en activant le dispositif de protection temporaire prévu par la Directive éponyme de 2001 afin de faire face aux situations d’urgence et de crise telles que celle connue en Syrie, les décideurs européens se sont engagés à assurer la réinstallation collective de 5000 réfugiés à peine. Ce chiffre est nettement en-deçà des besoins humanitaires et même dérisoire si on le compare au nombre de réfugiés accueillis dans d’autres pays, à l’instar de la Turquie qui, à elle seule, héberge 1,8 millions de réfugiés syriens.
Depuis le début de l’année 2015, le bilan des victimes en mer a franchi le seuil des 1800, contre moins de 100 décès à la fin du mois d’avril 2014 sur le même itinéraire. En abordant ainsi une problématique humanitaire pressante sous l’angle de la sécurité et en se refusant à établir des filières de migration légales et sûres au profit des personnes qui fuient la guerre, l’UE se soustrait à ses responsabilités vis-à-vis de ses voisins affectés qu’elle laisse lamentablement périr en mer.
Chacune de ces tragédies révèle un peu plus à quel point les belles paroles de l’UE sur la solidarité et les droits de l’homme sont vides de sens. Alors que la chef de la diplomatie européenne avait tiré la sonnette d’alarme en déclarant « L’Union européenne n’a plus d’alibi », il est grand temps à présent que ces paroles soient traduites en actes afin de sauver des vies.