Bruxelles, 28 Mai 2019
Le 21 mai dernier, lors de l’audience finale du procès à l’encontre des participants à la campagne de soutien au quotidien Özgür Gündem, Eren Keskin, défenseure des droits humains et co-présidente de l’Association des droits de l’homme, Insan Hakları Derneği (IHD), a été condamnée à trois ans et neuf mois d’emprisonnement pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste » et « incitation publique au crime ».
Cette condamnation est loin d’être un cas isolé : dans tout le pays, des milliers de militants de la société civile qui luttent pour le respect des droits humains et les libertés fondamentales sont visés par la magistrature, qui agit comme une extension du pouvoir exécutif. EuroMed Droits condamne fermement le harcèlement judiciaire dirigé contre Mme Keskin et ses collègues.
Mme Keskin, avocate au barreau d’Istanbul et co-fondatrice d’un projet fournissant une aide juridique aux femmes qui ont été violées ou harcelées sexuellement lors de leur garde à vue, s’est fréquemment prononcée contre la violence à l’égard des femmes et la discrimination à l’égard des minorités. En représailles à son travail pour la défense des droits humains, Eren Keskin est depuis trente ans la cible de nombreux actes de persécution et de harcèlement, y inclus des attaques physiques.
En 2016, dans un contexte d’aggravation de la situation des défenseurs des droits humains dans le pays, elle s’était montrée solidaire du quotidien Özgür Gündem, aujourd’hui fermé. En raison de son soutien et de son rôle en tant que « rédactrice en chef » du quotidien, 129 affaires ont été intentées contre elle devant les tribunaux turcs. Sa condamnation est emblématique d’une plus vaste répression des droits humains et des libertés fondamentales en Turquie.
Malgré la levée de l’état d’urgence en juillet dernier, la répression de la société civile en Turquie se poursuit sans relâche, affectant toute la société civile, dans un contexte d’abus flagrant du pouvoir judiciaire, utilisé de plus en plus pour faire taire le mouvement pour les droits humains dans le pays.
EuroMed Droits appelle les autorités turques à respecter les obligations qui leur incombent en vertu des traités internationaux, de la Convention européenne des droits de l’Homme et de la Constitution turque ; à mettre fin à la répression des voix critiques ainsi qu’à la persécution des défenseurs des droits humains ; à libérer toutes les personnes détenues pour avoir pacifiquement exprimé leurs opinions.
Note à l’éditeur :
La campagne de solidarité envers le quotidien Özgür Gündem a débuté le 3 mai 2016 et s’est terminée le 7 août 2016. Ce journal a été fermé suite au décret-loi n°675, adopté durant l’état d’urgence.
En mars 2019, Mme Keskin a été condamnée à sept ans et demi de prison pour avoir « insulté le Président et les institutions de l’État » à la suite de trois reportages publiés dans le journal en 2015. Le 3 juillet prochain, elle sera à nouveau jugée devant la 23ème Haute Cour Pénale d’Istanbul dans le cadre du procès principal à l’encontre d’Özgür Gündem.