Le 17 juillet 2020, le Conseil européen examinera le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. À cette occasion, les dirigeants de l’UE discuteront des aspects tant internes qu’externes du budget alloué aux migrations et à l’asile.
En l’état actuel, la Commission européenne propose une enveloppe budgétaire totale de 40,62 milliards d’euros pour les programmes portant sur la migration et l’asile, répartis comme suit : 31,12 milliards d’euros pour la dimension interne et environ 10 milliards d’euros pour la dimension externe. Il s’agit d’une augmentation de 441% en valeur monétaire par rapport à la proposition faite en 2014 pour le budget 2014-2020 et d’une augmentation de 78% par rapport à la révision budgétaire de 2015 pour ce même budget.
Une réalité déguisée
Est-ce une bonne nouvelle qui permettra d’assurer dignement le bien-être de milliers de migrant.e.s et de réfugié.e.s actuellement abandonné.e.s à la rue ou bloqué.e.s dans des centres d’accueil surpeuplés de certains pays européens ? En réalité, cette augmentation est principalement destinée à renforcer l’approche sécuritaire : dans la proposition actuelle, environ 75% du budget de l’UE consacré à la migration et à l’asile serait alloué aux retours, à la gestion des frontières et à l’externalisation des contrôles. Ceci s’effectue au détriment des programmes d’asile et d’intégration dans les États membres ; programmes qui se voient attribuer 25% du budget global.
Le budget 2014 ne comprenait pas de dimension extérieure. Cette variable n’a été introduite qu’en 2015 avec la création du Fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique (4,7 milliards d’euros) et une enveloppe financière destinée à soutenir la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie de mars 2016 (6 milliards d’euros), qui a été tant décriée. Ces deux lignes budgétaires s’inscrivent dans la dangereuse logique de conditionnalité entre migration et développement : l’aide au développement est liée à l’acceptation, par les pays tiers concernés, de contrôles migratoires ou d’autres tâches liées aux migrations. En outre, au moins 10% du budget prévu pour l’Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale (NDICI) est réservé pour des projets de gestion des migrations dans les pays d’origine et de transit. Ces projets ont rarement un rapport avec les activités de développement.
Au-delà des chiffres, des violations des droits humains
L’augmentation inquiétante de la dimension sécuritaire du budget de l’UE correspond, sur le terrain, à une hausse des violations des droits fondamentaux. Par exemple, plus les fonds alloués aux « garde-côtes libyens » sont importants, plus on observe de refoulements sur la route de la Méditerranée centrale. Depuis 2014, le nombre de refoulements vers la Libye s’élève à 62 474 personnes, soit plus de 60 000 personnes qui ont tenté d’échapper à des violences bien documentées en Libye et qui ont mis leur vie en danger mais ont été ramenées dans des centres de détention indignes, indirectement financés par l’UE.
En Turquie, autre partenaire à long terme de l’UE en matière d’externalisation des contrôles, les autorités n’hésitent pas à jouer avec la vie des migrant.e.s et des réfugié.e.s, en ouvrant et en fermant les frontières, pour négocier le versement de fonds, comme en témoigne l’exemple récent à la frontière gréco-turque.
Un budget opaque
« EuroMed Droits s’inquiète de l’opacité des allocations de fonds dans le budget courant et demande à l’Union européenne de garantir des mécanismes de responsabilité et de transparence sur l’utilisation des fonds, en particulier lorsqu’il s’agit de pays où la corruption est endémique et qui violent régulièrement les droits des personnes migrantes et réfugiées, mais aussi les droits de leurs propres citoyen.ne.s », a déclaré Wadih Al-Asmar, président d’EuroMed Droits.
« Alors que les dirigeants européens se réunissent à Bruxelles pour discuter du prochain cadre financier pluriannuel, EuroMed Droits demande qu’une approche plus humaine et basée sur les droits soit adoptée envers les migrant.e.s et les réfugié.e.s, afin que les appels à l’empathie et à l’action résolue de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen ne restent pas lettre morte ».
Photo de couverture: Sara Prestianni