EuroMed Droits est profondément préoccupé par les violences sans précédent perpétrées contre les personnes noires en Tunisie ces derniers jours.
Les forces de sécurité ont attaqué et démantelé des camps de fortune dans les régions de Sfax, El Amra et Jebeniana où vivaient des centaines de personnes , principalement originaires du Soudan, du Mali, de Gambie, de Guinée et de Côte d’Ivoire, entre autres pays d’Afrique subsaharienne. Les campagnes de haine à leur encontre, le manque de résidence, de protection, de logement et d’abris, associés à une grave crise socio-économique en Tunisie, alimentent une vague croissante d’attaques racistes et violentes contre les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés.
Les signalements de groupes civils armés tirant sans discrimination sur des personnes noires se multiplient. Le mercredi 9 avril 2025, un Guinéen de 32 ans a tragiquement perdu la vie après avoir été abattu par un civil tunisien, quelques jours après le meurtre, dans des circonstances similaires, d’une personne migrante malienne de 38 ans, soulignant les conséquences mortelles d’une violence raciale incontrôlée.
Refoulements et expulsions après interceptions
Le 17 mars, à la suite d’une opération d’interception en mer menée par les autorités tunisiennes au large de Sfax – au cours de laquelle au moins 18 personnes ont perdu la vie – environ 600 migrants originaires de pays d’Afrique subsaharienne ont été bloqués dans le désert et expulsés de force vers la frontière avec l’Algérie et la Libye.
Selon les témoignages , la plupart des personnes déportées à la frontière libyenne étaient des Soudanais.
L’escalade de la violence contre les migrant.e.s se poursuit également en Libye
Depuis mars, des arrestations massives et arbitraires ainsi que des attaques, y compris des maisons incendiées, ont eu lieu en Libye, ciblant principalement les communautés soudanaise, érythréenne et éthiopienne, y compris les femmes enceintes.
Depuis début avril, les autorités libyennes ont également annoncé la fermeture de dix ONG internationales fournissant une assistance vitale aux migrant.e.s, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Ces ONG sont accusées de « viser à modifier la composition démographique du pays et de représenter une menace pour la société libyenne » – une justification profondément troublante qui porte atteinte aux principes humanitaires et criminalise la solidarité.
Coopération avec l’UE
Il n’est malheureusement pas nouveau que les migrant.e.s, tant en Tunisie qu’en Libye, subissent un continuum de violences allant des violences verbales à la torture, en passant par l’esclavage et le meurtre. Cependant, cette violence généralisée atteint un niveau sans précédent.
Parallèlement, malgré les nombreux rapports et témoignages, les dernières années ont été marquées par une prolifération d’accords d’externalisation, comme le MoU UE-Tunisie en 2023, ou la récente proposition de l’UE sur les retours et les « hubs de retour », visant à accélérer les retours forcés vers des pays tiers, comme la Tunisie.
Sans garanties adéquates, ces accords controversés ne risquent que de financer la répression des mouvements migratoires par des pays tiers, devenus les gardes-frontières de l’UE, et d’alimenter des souffrances, des violences et des morts inimaginables.
EuroMed Droits appelle les autorités tunisiennes et libyennes à cesser immédiatement les violences racistes et la répression contre les migrant.e.s, les demandeurs d’asile et les réfugiés ; à mener des enquêtes et à traduire en justice les personnes impliquées dans ces attaques aveugles ; et à mettre fin à la répression et à la criminalisation des militants et des ONG qui œuvrent en solidarité avec les migrant.e.s. EuroMed Droits appelle également l’Union européenne (UE) et ses États membres à suspendre les accords de financement sur la coopération migratoire et le contrôle des frontières avec la Tunisie et la Libye et à les utiliser plutôt pour sauver des vies en mer et garantir des itinéraires sûrs.