A l’attention des ministres des Affaires étrangères des Etats membres du Conseil de sécurité de l’ONU
Messieurs les Ministres des Affaires étrangères,
Alors que le monde entier se rassemble à Sotchi pour l’ouverture des Jeux olympiques, les Syriens vivent en état de siège. Dans l’esprit historique de la trêve olympique, repris par le Secrétaire Général des Nations-unies en janvier, nous demandons au Conseil de sécurité de l’ONU de mettre fin à ces méthodes de guerre inhumaines et illégales, en soutenant une résolution exigeant un accès total et sans entrave pour l’aide humanitaire dans toutes les régions de Syrie. L’ouverture des Jeux olympiques d’hiver doit marquer l’entrée de l’aide humanitaire en Syrie.
Les mots manquent pour exprimer l’horreur et la souffrance quotidienne endurée par les Syriens: 9 millions de personnes, soit pratiquement la moitié de la population d’avant le conflit, ont fui leurs maisons. 6,5 millions sont déplacés internes. 40 pour cent des hôpitaux ont été mis hors d’état de fonctionnement et 2 millions d’enfants ont été forcés de quitter l’école. Au moins 110 000 personnes ont été tuées dans le conflit, selon un récent rapport de l’Oxford Research Group[1] .
Bien que ces chiffres soient bouleversants, ils ne disent pas tout.
Dans certaines parties de la Syrie, les civils sont pris en otage dans leurs propres villes. Les Nations-unies estiment qu’au moins 242 000 personnes sont victimes de cette méthode de guerre médiévale, qui viole le droit international humanitaire. Après plus d’un an de siège, les habitants de ces zones sont à court de nourriture et de médicaments. Les femmes et enfants sont dans des états de malnutrition sévère et, dans certains cas, en train de mourir de faim parce que la nourriture et l’aide médicale sont interdites d’entrée et les gens de sortie. Dans les zones dites » difficiles à atteindre « , 3 millions de personnes survivent péniblement à une existence désespérée où les bombardements de civils, le déplacement des lignes de front, les attaques délibérées à l’encontre des travailleurs humanitaires et les restrictions bureaucratiques à la livraison de l’aide signifient que les civils syriens qui ont désespérément besoin d’aide sont incapables d’accéder à des biens et services de base.
Dans une déclaration présidentielle du 2 octobre 2013, le Conseil de sécurité des Nations-unies a unanimement décidé de l’adoption par toutes les parties au conflit de mesures spécifiques afin que chacune se conforme à ses obligations découlant du droit international humanitaire, et ainsi faciliter l’accès à l’aide humanitaire. Plus de 4 mois après, et malgré des négociations en cours qui ont légèrement ouvert l’accès à Yarmouk et qui pourraient éventuellement permettre un accès très partiel à Homs, il est clair que la déclaration d’octobre demeure largement ignorée par les parties.
Alors que le monde s’unit pour célébrer l’esprit des Jeux olympiques, nous demandons à tous les membres du Conseil de sécurité de soutenir une résolution contraignante demandant à toutes les parties la garantie de livraison complète et sans entrave de l’aide humanitaire aux populations dans le besoin dans tous les régions de la Syrie . La résolution doit intégrer tous les éléments de la déclaration présidentielle d’octobre et aller plus loin. Elle doit aussi:
• Créer un mécanisme de suivi et de rapport si une partie bloque l’accès ; qui comprendrait une veille surveillant tout cas d’entraves à la fourniture de l’’aide directement à partir des pays voisins;
• Exiger un accès immédiat à toutes les zones assiégées ;
• Exiger des pauses humanitaires dans les combats pour permettre à la nourriture et aux médicaments d’être livrés aux personnes dans les zones les plus durement touchées par les combats, et pour que les civils puissent se déplacer en toute sécurité vers d’autres régions si ils le souhaitent;
• Demander à l’ONU de soutenir les organisations humanitaires impartiales qui acheminent l’aide en Syrie à travers les frontières.
Trop de Syriens meurent parce qu’ils ne peuvent pas accéder à une aide nécessaire et salvatrice. Le Conseil de sécurité a la responsabilité de transformer les JO, -moment d’unité mondiale- en actions pour le peuple syrien. Il doit adopter immédiatement une résolution exigeant un accès humanitaire total et sans entrave à toute la Syrie, pour sauver des vies.
Liste des organisations signataires:
- Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) (France)
- Arab Program for Human Rights Activists
- Arche noVa e.V. (Allemagne)
- Broederlijk Delen/Pax Christi Flanders (Pays-Bas)
- CCFD-Terre Solitaire (France)
- Center for Victims of Torture (USA)
- Christian Aid (Royaume-Uni)
- Commonwealth Human Rights Initiative (Inde)
- Conectas Human Rights (Brésil)
- Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR) (Egypte)
- Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) (France)
- Fellowship of Reconciliation (USA)
- The Friends Committee on National Legislation (USA)
- Human Appeal (Royaume-Uni)
- Human Rights First (USA)
- Human Rights Information & Training Center (Yémen)
- Human Rights Watch (USA)
- International Alert (Royaume-Uni)
- International Rescue Committee (USA)
- Islamic Relief (Royaume-Uni)
- Islamic Relief (USA)
- Kontras (Indonésie)
- Médecins du Monde (France)
- Medico international (Allemagne)
- Middle East and North Africa Partnership for Armed Conflict Prevention
- Non-violence Network in the Arab Countries
- Norwegian Refugee Council (Norvège)
- Open Society Foundations (USA)
- PAX (Pays-Bas)
- Pax Christi International
- People in Need (République Tchèque)
- Permanent Peace Movement (Liban)
- Physicians for Human Rights (USA)
- Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) (France)
- Solidarités International (France)
- Syrian American Medical Society (SAMS) (USA)
- Tearfund (Royaume-Uni)
[1] Oxford Research Group (2013) ‘Stolen Futures: The Hidden Toll of Child Casualties in Syria’ by Hana Salama and Hamit Dardagan, www.oxfordresearchgroup.org.uk/publications/briefing_papers_and_reports/stolen_futures