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Le 21 juin 2012, la Commissaire Cecilia Malmström a rencontré l’ambassadeur de Turquie à Bruxelles, afin de lancer un accord de réadmission entre l’Union européenne (UE) et la Turquie. Après la signature du document et sa ratification, cet accord permettra aux pays signataires de renvoyer les ressortissants étrangers entrant et/ou résidant illégalement sur leur territoire.
En échange de la signature d’un accord de réadmission, l’UE offrirait aux ressortissants turcs la libéralisation des visas. Les conditions et la date d’application de cette libéralisation ne sont pas encore précisées, ce qui constitue pour le moment le principal obstacle à la ratification de l’accord, mais il est évident que la perspective, pour les ressortissants turcs, de pouvoir se rendre sans visa dans les pays de l’Union européenne est une mesure propre à inciter la Turquie à signer un tel accord.
Dans cette note politique, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) établit, de manière détaillée, les risques de la mise en place d’un tel accord entre l’UE et la Turquie pour le respect des droits des migrants, en situation irrégulière ou non, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Le REMDH invite donc instamment toutes les parties à sauvegarder ces droits dans la pratique.
Les accords de réadmission conduits par l’UE illustrent bien la position européenne à l’égard des migrants et du droit d’asile, une position guidée par la volonté de renforcer les frontières extérieures de l’Europe, et de maintenir la liberté de circulation à l’intérieur. Même si ces accords n’ont rien de nouveau et ont été utilisés par les Etats, depuis plusieurs décennies, comme des outils de contrôle migratoire, la différence, toutefois, est que la négociation de ces accords est désormais placée sous la responsabilité d’un organe supranational, tandis que les membres de l’Union restent uniquement responsables de leur application pratique. En termes de redevabilité, le fait que la responsabilité se trouve diluée entre différents acteurs risque de rendre particulièrement difficiles le suivi et les interventions éventuelles contre les abus.
Bien que Commissaire Malmström ait affirmé que le retour des ressortissants étrangers se ferait « dans le respect total du droit international et des droits fondamentaux »1 , la manière dont les précédents accords entre l’UE et ses voisins ont été appliqués jusqu’à présent a abouti à des violations substantielles des droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, aussi bien du côté européen que de celui de la partie contractante. Si l’on en croit les clauses de cet accord, l’application des accords antérieurs et la situation actuelle des migrants et des réfugiés en Turquie et dans les pays de l’UE concernés, un accord de réadmission à l’heure actuelle entre l’UE et la Turquie risque de compromettre gravement le droit d’asile en Europe et d’aggraver les violations dont sont victimes les ressortissants de pays tiers en Turquie. C’est le cas, en particulier, de ceux qui risquent la détention ou l’expulsion, alors qu’ils sont éligibles au statut de réfugié ou à un droit d’asile temporaire en Turquie. Des négociations transparentes et un suivi indépendant de la mise en oeuvre de l’accord sont indispensables pour minimiser le risque que les droits des migrants et des réfugiés ne soient violés dans le cadre même d’un futur accord de réadmission UETurquie.
Le fait que la Turquie soit à l’évidence un pays de transit pour un volume considérable de demandeurs d’asile et de réfugiés sans papiers rend plus préoccupante encore la possibilité de tels abus.