Lisez le Communiqué Conjoint en Turc
Copenhague, Ankara, Istanbul – 26 septembre 2016
EuroMed Droits, Human Rights Association (IHD) et Helsinki Citizens Assembly expriment leurs profondes préoccupations à propos du harcèlement judiciaire en cours et exhortent les autorités turques à abandonner toute procédure judiciaire à l’encontre des académiciens en Turquie qui ont signé le « Pacte pour la Paix » durant l’audition de leur procès[1], qui a lieu ce mardi 27 septembre devant la 13e Cour Pénale d’Istanbul.
Le 11 janvier 2016, 1128 académiciens en Turquie et à l’étranger ont publié un communiqué mené par le groupe « Academics for Peace » et dénommé « Nous ne prendrons pas partie à ce crime » (“We will not be a Party to this Crime”). Ce communiqué a été publié dans le contexte des graves violations des droits humains commises lors d’opérations militaires dans le Sud-Est du pays, et du conflit armé entre les forces de l’ordre et le PKK. Durant ces opérations, les autorités turques ont imposé des couvre-feux permanents et indéfinis sur des quartiers et districts entiers, impactant ainsi plus d’1,3 million d’habitants. Les pertes civiles se sont chiffrées en centaines et de nombreuses et sérieuses violations au droit international ont été reportées, en particulier impliquant la torture, des traitements dégradants et inhumains et l’accès aux soins de santé[2].
Le « Communiqué pour la paix » exprime de profondes préoccupations que les couvre-feux ont exposé les habitants à de sévères violations des droits humains et appelle les autorités à les lever et à travailler vers un processus de paix permanent. Peu après sa publication, le Président Erdoğan a fortement critiqué les académiciens, n’hésitant pas à les comparer à des terroristes.
L’audition du 27 septembre est la deuxième audition de cette affaire à l’encontre des académiciens Prof. Assist. Dr. Esra Mungan, Prof. Assist. Dr. Meral Camcı, Prof. Assist. Dr. Muzaffer Kaya, et Prof. Assoc. Dr. Kıvanç Ersoy après être apparus devant le juge le 22 avril 2016. Ces académiciens sont détenus depuis le 15 mars, à l’exception de Meral Camci, détenu depuis le 31 mars. La cour a statué sur la relaxe des académiciens depuis que le procureur a changé les charges dans l’Article 301 du Code Pénal turque, qui règlemente les insultes envers le « Turquissisme » (Turkishness). Le procureur doit désormais consulter le Ministère de la Justice pour continuer le procès. C’est pourquoi l’audition du 27 septembre est si importante, vu que la décision du Ministère affectera non seulement les 4 académiciens concernés directement, mais aussi tous les autres signataires.
Nos organisations expriment des profondes préoccupations que les mesures actuelles sont utilisées comme prétexte pour renforcer la tendance autoritaire dans le pays et pour empêcher toute voix critique de s’exprimer, comme par exemple celle des académiciens.
Constatant ces mesures, nous appelons les autorités à mettre fin à la pression sur tous les signataires du « Communiqué pour la Paix » et à agir en harmonie avec les principes des droits humains universels. Nous appelons également l’UE et ses Etats membres à faire pression sur la Turquie dans ce sens pour respecter la règle de loi et les droits humains en tout temps.
[1] Quatre académiciens: Dr. Esra Mungan, Dr. Meral Camcı, Dr. Muzaffer Kaya, & Dr. Kıvanç Ersoy.
[2] Voir le rapport Human Rights under Curfew, EuroMed Droits/ FIDH, Février 2016