En pleine pandémie de COVID-19, les droits humains et les libertés fondamentales sont au cœur d’une réécriture des principes de la démocratie telle que nous la connaissons.
Afin de museler toute voix critique, les gouvernements français et tunisien sont en train de discuter de lois liberticides qui formaliseraient le glissement d’un État de droit vers un état policier en bafouant toute participation citoyenne au débat public.
Ce durcissement des mesures a pour objectif déclaré la protection des agents de maintien de l’ordre et la répression légitime des atteintes physiques et verbales à l’encontre de la police. Mais, une fois de plus, le pouvoir législatif voudrait profiter de cette énième « mesure de protection » afin de limiter, voire d’interdire, la dénonciation des violences policières.
Comme souligné par des expert.e.s de l’ONU dans le cas de la loi sur la sécurité globale en France, « les images vidéo des abus policiers captées par le public jouent un rôle essentiel dans la surveillance des institutions publiques, ce qui est fondamental pour l’État de droit ». De même, dans le projet de loi tunisien, la diffusion d’images non floutées d’un membre des forces de l’ordre pourrait conduire à quatre ans de prison et à une amende de 10.000 dinars.
Ces développements législatifs sont d’autant plus préoccupants que ces propositions de loi prévoient des entraves majeures à la possibilité, essentielle dans un État de droit, de filmer et de diffuser des images des forces de l’ordre. Une réalité qui s’oppose à la pratique récente, ces dernières années, de vidéos prises par des journalistes (ou de simples citoyens) et qui ont permis de rendre publics des cas de violations des droits humains.
Ce virage sécuritaire excessif représente l’étape ultime de la définition de l’État en tant que seul acteur ayant « le monopole de la violence légitime », telle que proposée par l’historien et sociologue allemand Max Weber en 1919. Soit un état où les citoyens sont soumis aux aléas du pouvoir sans aucun droit de réponse. Un monopole qui, dans le cas français, s’exprime aussi par la demande du gouvernement d’engager la procédure accélérée pour l’adoption de la loi sur la sécurité globale.
Cette redéfinition des principes démocratiques et de la participation des citoyen.ne.s à la vie publique (pourtant garantis par l’article 25(a) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) en cours dans les deux pays pourrait déclencher un effet domino sur les réalités les plus fragiles de la région euro-méditerranéenne. Rien n’empêcherait alors les gouvernements plus autoritaires de profiter de cette régression afin d’étrangler leur population. A moins d’un sursaut citoyen.