A l’occasion du Conseil d’Association UE-Maroc qui se tiendra à Bruxelles le 16 décembre 2013, le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH) appelle l’Union Européenne (UE) et le Maroc à faire de la réforme de la justice et de la protection des droits de migrants et des réfugiés au Maroc les objectifs prioritaires du renforcement de leurs relations bilatérales.
Ce Conseil d’Association UE-Maroc se tient alors que le Maroc commence à peine à mettre en œuvre les réformes issues des modifications constitutionnelles de 2011, et que de nombreuses lacunes demeurent, tant en matière de réforme de la justice qu’en ce qui concerne les droits des migrants et des réfugiés, y compris pour les groupes vulnérables tels que les femmes et les mineurs non accompagnés.
Le REMDH souligne particulièrement son inquiétude face à la situation qui prévaut actuellement au Sahara occidental, où les évènements récents font état d’une répression policière et judiciaire inacceptable (interdiction quasi-systématique des manifestations, déferrement des personnes poursuivies devant les Tribunaux militaires). Le REMDH dénonce également les poursuites abusives visant la presse au Maroc et qui portent directement atteinte à la liberté des médias.
Le REMDH attire l’attention sur les déficiences générales du système judiciaire marocain, notamment son manque d’indépendance, de transparence, et de garanties en matière de droits de l’Homme, comme énoncées par la Haute Instance du Dialogue National du Maroc en septembre 2013.
De plus, le REMDH s’inquiète de la situation alarmante des migrants et des réfugiés au Maroc, victimes d’une criminalisation institutionnalisée par l’Etat marocain, et d’un climat xénophobe et meurtrier, en particulier les réfugiés originaires de pays sub-sahariens.
Le REMDH se félicite de la campagne de régularisation des personnes en situation irrégulière demandée par le Conseil National des Droits de l’Homme du Maroc pour 2014 et appelle l’UE à soutenir pleinement cette démarche y compris financièrement. Dans ce contexte, le REMDH dénonce les failles du régime des droits des migrants et des réfugiés au Maroc au regard du droit international, de même qu’il déplore l’absence d’un système d’asile national. Le REMDH rappelle, en outre, les carences, en matière de protection des migrants et des réfugiés, des dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière mis en place par l’UE à ses frontières extérieures.
Le REMDH estime que, dans le cadre des relations bilatérales étroites UE-Maroc et notamment du Plan d’action mettant en œuvre le Statut avancé (2013-2017), les questions de la réforme du système judiciaire et à la protection des droits des migrants et des réfugiés doivent figurer comme enjeux majeurs de leur échange et faire l’objet d’un suivi effectif au niveau ministériel.
Le REMDH appelle également l’UE et le Maroc à assurer la mise en œuvre de l’agenda 2010-2015 pour l’égalité entre les hommes et les femmes du Maroc et encourage les deux parties à publier un état des lieux de cette mise en œuvre et de l’appui budgétaire européen en la matière.
Dans une lettre ouverte, adressée aux autorités marocaines et européennes et envoyée en amont de cette rencontre ministérielle, le REMDH demande ainsi à l’UE de rappeler à ses interlocuteurs marocains l’impérieuse nécessité d’appliquer, en tous lieux et en tous domaines, la même volonté de respecter les droits de l’Homme.
Le REMDH y formule également des recommandations concrètes visant à améliorer la réforme du système judiciaire marocain et la protection des migrants et des réfugiés.
Le saviez-vous ? Dates-clés de la réforme de la Justice au Maroc
- 1er juillet 2011 : Nouvelle Constitution garantissant l’indépendance des juges du siège et du parquet. La Constitution exclut cependant ces derniers de la protection contre l’inamovibilité et continuent de les subordonner au ministre de la justice et donc au pouvoir exécutif ;
- 12 septembre 2013 : Charte sur la Réforme du Système judicaire marocain définissant 6 objectifs principaux pour accroitre l’indépendance du système judicaire au Maroc. La Charte omet néanmoins de traiter la question des juridictions militaires, dont les compétences s’étendent au-delà du champ prévu par le droit international, ainsi que l’indépendance du Parquet.
- Octobre 2013 : Proposition, par le Ministère de la Justice, de deux projets de lois portant sur le statut des magistrats et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. A noter que les acteurs de la société civile n’ont pas été consultés lors de la rédaction de ces projets.
Le régime des droits des migrants et des réfugiés au Maroc
- Loi marocaine 02-03 pénalisant l’immigration, le séjour et l’émigration irrégulière, en violation du droit de chacun à quitter tout pays y compris le sien (article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme).
- 7 juin 2013 : mise en place du Partenariat de Mobilité dans le cadre de la nouvelle Politique Européenne de Voisinage et suite au Printemps Arabe, visant notamment à mieux organiser les migrations légales et lutter contre l’immigration irrégulière à travers, entre autre, la signature d’un accord réadmission.
- 2014 : campagne de régularisation des personnes en situation irrégulière
Le ‘Statut avancé’ UE-Maroc
- Dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage, le Maroc a été le premier pays à concrétiser son rapprochement avec l’UE à travers l’adoption d’un « Document conjoint sur le renforcement des relations bilatérales/Statut Avancé » en octobre 2008. En novembre 2012, un second plan d’action UE-Maroc mettant en œuvre le statut avancé pour 2013-2017 a été conclu. Ce Plan d’Action constitue un engagement politique important et comprend un certain nombre d’objectifs relatifs à la démocratie, l’Etat de droit, la promotion des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.