Les organisations soussignées exigent que les États qui ont fourni et continuent de fournir des armes et d’autres formes d’assistance militaire à Israël respectent leurs obligations légales et agissent de manière résolue et urgente pour empêcher Israël de perpétrer de nouveaux crimes internationaux et d’autres violations graves du droit international. Il s’agit notamment de leur obligation d’empêcher la commission d’un génocide.
Nous rappelons à ces États que les obligations contraignantes qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme, du droit pénal international et d’autres lois internationales, y compris la Charte des Nations unies, exigent qu’ils mettent immédiatement un terme à ces transferts et qu’ils suspendent toutes les licences d’armes à destination d’Israël délivrées par leurs juridictions.
Les États parties au traité sur le commerce des armes (TCA) ont des obligations contraignantes supplémentaires en vertu du traité, tout comme les États en vertu des instruments juridiques régionaux et nationaux pertinents sur le contrôle des armes.
Nous rappelons que le fait de fournir des armes ou un soutien militaire à Israël peut rendre les États exportateurs complices de ses actions.
- Facilitation par les États des crimes internationaux contre les Palestiniens par la fourniture d’armes et de soutien militaire
Depuis le lancement de son offensive militaire de représailles à grande échelle sur Gaza le 7 octobre 2023, l’armée israélienne a mené des attaques aveugles, disproportionnées et d’autres attaques illégales contre des infrastructures civiles, causant de nombreuses victimes civiles, notamment par l’utilisation illégale d’armes explosives et de phosphore blanc.
Au 5 novembre 2023 à 14 heures, l’offensive militaire israélienne a causé la mort de 9 770 Palestiniens, dont 4 008 enfants et 2 550 femmes, selon le ministère palestinien de la Santé. En outre, environ 2 260 Palestiniens, dont 1 270 enfants, ont été portés disparus et sont présumés être piégés ou morts sous les décombres.
Les civils palestiniens de la bande de Gaza assiégée, dont un million d’enfants, sont pris au piège dans des conditions désastreuses, sous des bombardements quasi constants, où ils n’ont pas accès à des abris sûrs, à la nourriture, à l’eau, à l’électricité ou au carburant. « Le siège complet de Gaza, associé à des ordres d’évacuation irréalisables et à des transferts forcés de population, constitue une violation du droit humanitaire international et du droit pénal international », comme l’ont dénoncé les experts de l’ONU. Le 27 octobre, l’Assemblée générale des Nations unies, dans une résolution adoptée lors de sa session extraordinaire d’urgence, a souligné « l’impératif, en vertu du droit international humanitaire, de veiller à ce que les civils ne soient pas privés des objets indispensables à leur survie ».
Les déclarations des responsables israéliens ont insisté sur le fait que « l’accent est mis sur les dégâts et non sur la précision » et ont appelé à « effacer la bande de Gaza de la surface de la terre« . En moins d’une semaine, Israël a déployé environ 6 000 bombes, soit presque autant que les États-Unis en Afghanistan en un an. Nous sommes particulièrement préoccupés par les informations faisant état d’attaques contre des civils et des infrastructures civiles, notamment contre le personnel de santé, les journalistes, les hôpitaux, les écoles, les mosquées, les églises, les boulangeries, les infrastructures de télécommunications et les zones de passage sécurisé. Nombre de ces actes peuvent constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres violations graves du droit international, y compris l’incitation à commettre des actes de génocide.
Les experts des droits de l’homme de l’ONU ont tiré la sonnette d’alarme le 19 octobre 2023 : « Israël mène une campagne permanente qui aboutit à des crimes contre l’humanité à Gaza. Au vu des déclarations des dirigeants politiques israéliens et de leurs alliés, accompagnées d’une action militaire à Gaza et d’une escalade des arrestations et des meurtres en Cisjordanie, il existe également un risque de génocide contre le peuple palestinien », soulignant qu' »il n’y a pas de justifications ou d’exceptions pour de tels crimes. Nous sommes consternés par l’inaction de la communauté internationale face à une guerre belliqueuse ».
En plus de bombarder Gaza, Israël a intensifié sa répression et ses punitions collectives contre le peuple palestinien des deux côtés de la Ligne verte. Entre le 7 octobre et le 5 novembre 2023 à 14 heures, en Cisjordanie, y compris Jérusalem, les forces d’occupation israéliennes et les colons ont tué 149 Palestiniens, dont 44 enfants. En outre, le Comité de sécurité nationale de la Knesset a poursuivi « le plan plus large du gouvernement visant à armer les civils juifs israéliens », en assouplissant le contrôle des armes à feu en Israël et en permettant à 400 000 Israéliens juifs supplémentaires d’obtenir un permis de port d’armes.
- Poursuite des transferts d’armes vers Israël en dépit des preuves de crimes et d’autres violations
Au milieu de ces attaques, et en dépit des graves violations et crimes bien documentés et signalés contre la population palestinienne au fil des ans, la fourniture d’armes et de soutien militaire à Israël par les États-Unis – le plus grand fournisseur d’aide militaire à Israël depuis des décennies – et par le Canada, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni – des États parties au traité sur le commerce des armes -, s’est poursuivie. Lors de sa session extraordinaire de 2021 consacrée à la grave situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a exhorté tous les États à s’abstenir de transférer des armes lorsqu’ils estiment qu’il existe un risque manifeste que ces armes soient utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves ou des abus du droit international des droits de l’homme ou des violations graves du droit international humanitaire.
Nos organisations sont alarmées par la nouvelle selon laquelle certains États, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont décidé ces derniers jours de fournir des équipements militaires supplémentaires ou d’accélérer la fourniture d’équipements militaires à Israël, malgré les nombreuses preuves de crimes de guerre commis à Gaza.
- Obligations juridiques internationales relatives aux transferts d’armes
Parmi les obligations juridiques internationales applicables :
Droit international coutumier
Conformément au droit international coutumier, largement codifié dans le projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite de la Commission du droit international de 2001, un État qui aide ou assiste un autre État dans la commission d’un fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable de ce fait si : (a) cet État le fait en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite ; et (b) le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État (article 16).
Cela s’applique aux transferts d’armes, ainsi qu’à d’autres formes de soutien qui contribuent de manière significative à l’acte ou aux actes illicites, comme le soutien logistique, technique ou financier, le renseignement ou la fourniture d’autres équipements.
Droit international humanitaire
L’article 1er commun aux quatre conventions de Genève de 1949 impose aux États l’obligation permanente de « respecter et faire respecter » les protections prévues par les conventions en toutes circonstances. Dans son commentaire de l’article 1 commun qui fait autorité, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) explique que l’obligation de l’article 1 requiert, entre autres, que les États « s’abstiennent de transférer des armes si l’on peut s’attendre, en se fondant sur des faits ou sur la connaissance d’habitudes passées, à ce que les armes soient utilisées pour violer les Conventions ».
Traité sur le commerce des armes (TCA)
L’objectif explicite du traité sur le commerce des armes était de prévenir et de réduire les souffrances humaines en établissant des normes internationales communes pour le transfert des armes conventionnelles. Son préambule fait référence aux obligations de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire et de respecter et de faire respecter les droits de l’homme.
En vertu de l’article 6, paragraphe 3, du traité sur le commerce des armes, les États parties s’engagent à ne pas autoriser de transfert d’armes conventionnelles s’ils ont connaissance, au moment de l’autorisation, du fait que les armes ou les articles seraient utilisés pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des infractions graves aux conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des biens de caractère civil ou des personnes civiles protégées comme telles, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par les accords internationaux auxquels ils sont parties.
En vertu des articles 7 et 11, les États parties s’engagent à ne pas autoriser l’exportation d’armes conventionnelles, de munitions, de pièces et de composants qui, entre autres, porteraient atteinte à la paix et à la sécurité ou seraient utilisés pour commettre des violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.
Position commune de l’UE sur les exportations d’armes 2008/944/PESC
Les États membres de l’Union européenne (UE) sont également liés par les termes de la position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 établissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires, et sont notamment tenus de « refuser une licence d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires à exporter soient utilisés pour commettre des violations graves du droit humanitaire international ».
Principes de l’OSCE régissant les transferts d’armes conventionnelles
Les membres de l‘Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont font partie les États-Unis, sont tenus d’adhérer aux principes de l’OSCE régissant les transferts d’armes conventionnelles (principes de l’OSCE) dans leurs décisions en matière d’exportation d’armes. Le principe 4 impose aux États de « promouvoir et, au moyen d’un mécanisme national de contrôle efficace, de faire preuve de la retenue voulue dans le transfert d’armes conventionnelles et de la technologie connexe ». Afin de donner effet à ce principe, les États « tiendront compte » d’un certain nombre de facteurs lors de l’examen de toute proposition d’exportation d’armes. Ils sont ensuite tenus d’éviter tout transfert qui enfreint l’un ou l’autre ou l’ensemble des critères de l’OSCE contenus dans les principes de l’OSCE.
Il est clair que la poursuite des exportations d’armes et de l’aide militaire à Israël constitue une violation de toutes ces obligations. Au fil des ans, le soutien militaire non contrôlé et, dans de nombreux cas, considéré comme internationalement illégal, a également permis, facilité et maintenu le régime de colonisation et d’apartheid qu’Israël impose depuis des décennies à l’ensemble du peuple palestinien.
L’absence d’action peut également rendre les États parties complices d’actes internationalement illicites en les aidant ou en les encourageant à commettre des crimes internationaux et peut engager la responsabilité pénale individuelle des hauts fonctionnaires de ces États pour avoir aidé et encouragé la commission de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en vertu de l’article 25, paragraphe 3, point c), du statut de Rome de la Cour pénale internationale. Compte tenu des preuves accablantes, les États qui fournissent des armes et d’autres formes d’assistance militaire à Israël ne peuvent pas prétendre qu’ils ne sont pas au courant de la myriade de violations graves du droit international qui sont commises, et l’ont été, depuis des décennies. La fourniture d’équipements et d’une assistance militaire à Israël en sachant qu’ils sont susceptibles d’être utilisés pour commettre de graves violations du droit international, y compris des crimes internationaux, peut donner lieu à des accusations de complicité.
Alors qu’Israël continue d’importer des armes, avec plus de 4 milliards d’USD par an en provenance des seuls États-Unis et de l’Allemagne, il s’est également imposé comme un leader dans l’industrie de la cybersécurité et de la surveillance et figure parmi les plus grands exportateurs d’armes au monde, se classant au dixième rang en 2022. Ces technologies sont souvent présentées comme ayant été testées avec succès sur la population palestinienne dans le contexte de la longue occupation israélienne au cours de laquelle elles ont souvent été développées. Nos organisations demandent donc aux Etats de mettre fin et de dénoncer les importations d’armes et de technologies de surveillance en provenance d’Israël.
- Exigences de mesures immédiates de la part des États :
L’imposition d’un embargo bilatéral sur les armes à destination d’Israël est une obligation à la fois juridique et morale. Dans l’attente d’un tel embargo, tous les États doivent immédiatement suspendre tous les transferts d’articles militaires et de services et d’assistance associés vers Israël. Les États parties au traité sur le commerce des armes doivent immédiatement mettre fin aux transferts actuels et interdire les futurs transferts vers Israël d’armes conventionnelles, de munitions, de pièces et de composants visés à l’article 2, paragraphe 1, et aux articles 3 et 4 du traité sur le commerce des armes.
Outre l’imposition d’un embargo bilatéral sur les armes, les États doivent également s’abstenir de conclure tout accord de coopération militaire, y compris en matière de formation militaire et de coopération opérationnelle dans le domaine du renseignement, qui pourrait les impliquer dans des crimes internationaux et d’autres violations graves du droit international.
Nos organisations en appellent donc à :
- Tous les États à demander un cessez-le-feu immédiat, l’accès inconditionnel et sans entrave du carburant et de l’aide humanitaire, y compris l’eau, la nourriture et les fournitures médicales, dans la bande de Gaza afin d’atténuer la grave crise humanitaire, et la levée immédiate du blocus et du bouclage illégaux qui durent depuis 16 ans ;
- Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas et les autres États qui autorisent la poursuite des transferts d’armes et d’autres formes de soutien militaire à Israël doivent
- de mettre immédiatement fin à ces transferts conformément à leurs obligations en matière de droit international, et
- cesser immédiatement la fourniture de tout matériel, équipement ou autre marchandise susceptible d’être utilisé pour commettre des violations graves du droit international, y compris des crimes internationaux ;
- Les États qui importent des armes et des technologies de surveillance d’Israël doivent immédiatement cesser ces importations ;
- aux États de transit de refuser que leurs ports et aéroports soient utilisés pour le transfert d’armes vers Israël ; et
- Tous les États parties au TCA à coopérer au sein des organisations internationales et régionales compétentes pour imposer un embargo bilatéral sur les transferts d’articles militaires à destination et en provenance d’Israël, notamment en soutenant l’organisation rapide d’une réunion extraordinaire de la Conférence des États parties, comme le prévoit l’article 17, paragraphe 5, du TCA.