L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et SOS-Disparus dénoncent la poursuite du harcèlement subi par Mohamed Smaïn, qui n’a jamais cessé de se battre aux cotés des familles de victimes de la guerre civile des années 90. Ce dernier risque en effet d’être arrêté à tout moment, en exécution d’une décision de la Cour suprême algérienne le condamnant à deux mois de prison ferme pour avoir dénoncé des exactions graves commises par des tortionnaires présumés de Relizane.
A l’origine de ce procès se trouve une plainte pour « diffamation », « outrage » et « dénonciation de crimes imaginaires » déposée par Mohamed Fergane, ancien maire de Relizane et responsable de la milice dite de légitime défense pour la wilaya de Relizane, ainsi que huit autres ex-membres de cette milice. Cette plainte avait été introduite après que Mohamed Smaïn eut alerté la presse algérienne, le 3 février 2001, de l’exhumation et du déplacement vers un lieu inconnu par les services de gendarmerie et la milice de Fergane d’un charnier qu’il avait découvert. Après dix années de procédure, la Cour suprême d’Alger, par une décision du 27 octobre 2011, a condamné Mohamed Smaïn pour “dénonciation calomnieuse » et « dénonciation de crimes imaginaires” à deux mois de prison ferme, 50000 dinars algériens d’amende (environ 510 €) et 10000 dinars algériens (environ 101 €) de dédommagement en faveur de chacun des plaignants.
En application de l’arrêt rendu par la Cour suprême, le procureur général de la wilaya de Relizane vient d’ordonner aux forces de police de procéder à l’arrestation de Smaïn, et ce alors qu’une demande de surseoir à exécuter la peine de prison, faisant suite à une demande de grâce introduite par Mohamed Smaïn le 15 décembre 2011, est en cours d’examen par le procureur général.
Le harcèlement judiciaire dont est victime Mohamed Smaïn est symptomatique du climat d’impunité qui prévaut en Algérie. Les activités de Mohamed Smaïn à Oran et Relizane en faveur des familles de disparus et son action pour que la vérité soit faite sur les violations perpétrées en Algérie, particulièrement pendant le conflit civil qui a ravagé le pays dans les années 90, lui valent d’être la cible des autorités. Pour rappel, suite à une plainte pour actes de torture et de barbarie déposée par la FIDH et de la Ligue française des droits de l’Homme et du citoyen (LDH), soutenues par la section de Relizane de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), Mohamed Smaïn a été appelé à se constituer partie civile devant la justice française dans le cadre d’une instruction ouverte à Nîmes contre d’anciens miliciens, les frères Mohamed accusés de s’être livrés à de nombreuses exactions contre la population civile et avoir semé la terreur.
Nos organisations appellent les autorités à mettre fin au harcèlement judiciaire subi par Mohamed Smaïn et considèrent que la décision rendue à son encontre par la justice algérienne et sa mise à exécution ont pour réel motif de sanctionner Mohamed Smaïn pour son rôle dans la lutte contre l’impunité en Algérie.
Elles demandent aux autorités algériennes de donner une suite positive à la demande de grâce déposée par l’avocat de Mohamed Smaïn et dans l’intervalle d’accueillir favorablement sa demande de surseoir à l’exécution de sa peine.
Enfin, nos organisations appellent les autorités algériennes à mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme algériens, afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave, et rappellent aux autorités algériennes leur obligation de se conformer, en toutes circonstances, aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, ainsi qu’aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, qui prévoit notamment en son article 6.b que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales, et par ces moyens et autres moyens appropriés d’appeler l’attention du public sur la question ».