Les autorités irakiennes et turques devraient immédiatement rouvrir les points de passage frontaliers où plus de 10.000 Syriens sont bloqués depuis des semaines et permettre à tous ceux qui souhaitent demander asile de passer sans retard, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des dizaines de milliers de Syriens qui ont fui les récents combats – notamment dans les provinces syriennes d’Alep, Idlib et Deir el Zor – tentent d’utiliser ces points de passage pour rejoindre l’Irak ou la Turquie rapidement et de manière sûre.Depuis la seconde moitié d’août 2012, l’Irak et la Turquie ont illégalement empêché des milliers de Syriens d’entrer sur leur territoire par ces postes frontières. Les deux pays n’ont laissé passer qu’un nombre restreint de personnes, soit sur la base d’urgences médicales, soit en se fondant sur des limitations arbitraires. Empêcher des réfugiés de traverser des frontières internationales pour demander asile – que ce soit par des points de passage officiels ou non – est contraire au droit international, a ajouté Human Rights Watch.
« Plus de 10.000 Syriens désespérés, qui fuient la terreur des bombardements aériens et des pilonnages d’artillerie, sont bloqués à la frontière irakienne ou turque et beaucoup d’entre eux vivent dans des conditions misérables», a déclaré Gerry Simpson, chercheur senior auprès de la division Réfugiés et chargé du plaidoyer à Human Rights Watch. «L’Irak et la Turquie devraient maintenir leurs frontières ouvertes en permanence aux personnes qui fuient des menaces pour leur vie et d’autres formes de persécution.»
Human Rights Watch a souligné que la Turquie méritait d’être saluée et soutenue pour l’effort qu’elle fournit en accueillant près de 100.000 réfugiés dans 14 camps et des milliers d’autres Syriens vivant en dehors de ces camps, mais qu’en même temps, elle était tenue de maintenir ses frontières ouvertes aux personnes qui souhaitent demander asile. De leur côté, les pays bailleurs de fonds, dont l’Union européenne, devraient fournir à la Turquie une aide généreuse, financière ou autre, pour l’installation de nouveaux camps à l’intention des Syriens qui fuient le conflit, a estimé l’organisation.
Les 6 et 9 octobre, Human Rights Watch a rencontré en territoire syrien des dizaines de Syriens bloqués près de la frontière turque, qui ont tous affirmé qu’ils avaient fui les bombardements aériens et les tirs d’artillerie et qu’ils étaient immobilisés près de la ligne de démarcation depuis des semaines, après s’être entendu dire par les gardes frontière turcs qu’ils ne pouvaient pas passer. Certains ont indiqué que les gardes leur avaient donné comme explication que les camps de réfugiés en Turquie étaient pleins.
Un haut responsable turc a affirmé à Human Rights Watch que les camps de réfugiés ayant atteint leur seuil de saturation, la Turquie faisait en sorte que de l’aide humanitaire parvienne aux personnes se trouvant en Syrie près de la frontière turque et qui, selon la Turquie, ne courent pas le risque de se retrouver au milieu des combats et ont donc seulement besoin d’assistance.
La Convention de 1951 relative aux réfugiés, le droit international ordinaire concernant les réfugiés et les critères internationaux en matière de droits humains imposent à tous les pays de respecter le principe de non-refoulement, qui interdit de repousser des demandeurs d’asile à une frontière quand cela met en danger leur vie ou leur liberté.
Human Rights Watch a affirmé que l’obligation de la Turquie d’autoriser quiconque à chercher refuge sur son sol signifiait que le manque de place dans un camp de réfugiés ou la fourniture d’une assistance à des Syriens du côté syrien de la frontière n’étaient pas des raisons valables pour retarder l’entrée de ressortissants syriens en Turquie pour demander asile. Les Syriens devraient être accueillis temporairement en Irak et en Turquie pendant que leurs demandes sont examinées, puis autorisés à se déplacer librement ou emmenés dans les camps.
« Ni la Turquie ni l’Irak n’a la moindre excuse pour forcer des Syriens à vivre dans des conditions difficiles et dégradantes et à risquer leurs vies en des lieux où ils peuvent se trouver sous un bombardement»,a ajouté Gerry Simpson. « Les deux pays – si nécessaire avec une aide internationale supplémentaire – devraient immédiatement fournir aux Syriens un abri du côté sûr de la frontière avant de trouver une solution à plus long terme pour eux.»
Mille six cents Syriens vivent sous le regard des gardes frontière turcs dans une oliveraie syrienne juste à côté des clôtures marquant la frontière, près de la ville syrienne d’Atma et de la ville turque de Reyhanlı. Des conditions déplorables causées par de fortes pluies tombées vers le 5 octobre ont provoqué le départ de milliers d’autres. Certains sont retournés dans les régions d’où ils venaient, tandis que d’autres se sont réfugiés à Atma. Selon certains d’entre eux, les mauvaises conditions causées par les pluies ont incité les autorités turques à autoriser un millier de personnes à entrer en Turquie entre le 5 et le 7 octobre.
« Je suis resté trois semaines près de la barrière frontalière », a déclaré un homme qui s’est installé dans une école à Atma. « Les conditions étaient déjà mauvaises et puis il a plu et il y a eu de l’eau partout, dans les tentes, quand nous allions aux toilettes en plein air …Je ne pouvais pas rester là-bas avec ma famille, alors nous nous sommes installés dans l’école …Je suis encore sur la liste d’attente pour entrer en Turquie. »
Le surpeuplement des écoles et des maisons privées d’Atma a contraint certains réfugiés à s’installer dans un camp de personnes déplacées dans leur propre pays (PDPP) récemment ouvert dans le village syrien de Qah, tout proche, établi par des Syriens grâce à un financement international, à des dons recueillis localement et à un soutien de la Fondation pour les droits de l’homme et les libertés et pour le secours humanitaire (IHH), une organisation non gouvernementale turque.
Un autre camp abrite 5.500 Syriens en territoire syrien à quelque 50 mètres d’un point de passage de la frontière turque situé à Öncüpınar/Bab al Salaam, près de la ville turque de Kilis. Les personnes qui y vivent affirment qu’elles ont plusieurs fois protesté en grand nombre au poste frontière, plaidant sans succès auprès des gardes turcs pour qu’ils les laissent entrer en Turquie.
Selon des personnes déplacées et des travailleurs humanitaires locaux en Syrie, la Turquie a autorisé entre 1.000 et 1.300 Syriens à passer la frontière au poste de Reyhanlı/Atma fin septembre et début octobre et environ 2.000 autres à celui d’Öncüpınar/Bab al Salaam entre fin août et début octobre.
Des travailleurs humanitaires locaux ont indiqué à Human Rights Watch que les deux pays permettaient aux blessés et à ceux qui avaient besoin de soins médicaux urgents de traverser leur frontière, bien que dans certains cas l’Irak leur avait refusé l’entrée.
A la date du 8 octobre, un peu moins de 100.000 Syriens répartis en 14 camps avaient reçu une « protection temporaire» en Turquie. Des milliers d’autres, entrés en Turquie avec des passeports, avaient reçu des visas de 3 mois – on estime que beaucoup sont restés dans le pays malgré leur expiration – qui leur permettent de se déplacer librement en Turquie mais ne leur donnent droit à aucune forme d’assistance.
Le 20 août, le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoğlu, a déclaré au quotidien turcHürriyet que les Nations Unies devraient installer des camps en territoire syrien, affirmant que la Turquie avait du mal à s’occuper de dizaines de milliers de réfugiés syriens et laissant entendre que la Turquie ne pourrait pas en accepter plus de 100.000.
Un haut responsable du ministère turc des affaires étrangères a affirmé à Human Rights Watch qu’il savait qu’un grand nombre de Syriens se trouvaient à la frontière de son pays, mais qu’il ne pouvait pas confirmer qu’ils avaient été empêchés d’entrer.Selon le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), le ministère turc des affaires étrangères a affirmé que début octobre, 12.000 Syriens attendaient de pouvoir entrer en Turquie où ils « étaient admis graduellement » – 8.000 au poste frontière d’Öncüpınar/Bab al Salaamet 4.000 à celui de Reyhanlı/Atma.
Ce responsable a également indiqué que le gouvernement turc soutenait les organisations humanitaires turques qui fournissent de l’aide en territoire syrien aux personnes se trouvant dans la zone frontalière et dont la Turquie estime qu’elles ne sont pas en danger et ont seulement besoin d’aide humanitaire. Il a également appelé les pays donateurs à aider la Turquie à ouvrir de nouveaux camps de réfugiés, afin de lui permettre de continuer à accueillir des Syriens fuyant leur pays.
Fin septembre, Human Rights Watch s’est également entretenu par téléphone avec des Syriens bloqués du côté syrien de la frontière irakienne dans le secteur d’Abu Kamal, en face de la ville irakienne d’al-Qaem. Ils ont affirmé qu’avec des milliers d’autres, ils n’avaient pas été autorisés à entrer en Irak depuis la mi-août. Le HCR affirme que depuis la mi-septembre, l’Irak n’a laissé entrer sur son territoire qu’environ 100 Syriens par jour, tandis que les personnes bloquées à la frontière et les travailleurs humanitaires estiment ce nombre à environ 125.
A la fin août, le ministère irakien des Déplacements et des Migrations a affirmé à Human Rights Watch que la frontière était fermée en attendant l’expansion du camp de réfugiés irakien d’al-Qaem qui, à la date du 3 octobre, abritait environ 5.500 Syriens. D’autres déclarations faites par des hauts responsables, laissant entendre que des militants d’al-Qaïda pourraient franchir la frontière irakienne avec des réfugiés, semblent indiquer que le récent changement de politique a été motivé par des préoccupations de sécurité. Néanmoins, selon une organisation humanitaire locale, environ 125 personnes en moyenne ont été autorisées à passer la frontière chaque jour entre le 24 septembre et le 10 octobre.
Aux termes de cette nouvelle politique irakienne, aucun homme syrien en âge d’être militaire n’est admis en territoire irakien, bien que dans la pratique, certaines familles soient autorisées à amener avec elles un homme de cette tranche d’âge. Un responsable humanitaire local et un responsable du ministère des Déplacements et des Migrations ont dit à Human Rights Watch que les autorités locales et le ministère étaient opposés à l’idée d’interdire aux hommes d’âge militaire d’entrer en Irak car cela entraîne la séparation de centaines de familles, mais qu’ils ne pouvaient faire autrement que de l’appliquer car l’ordre émanait de hauts responsables à Bagdad.
En conséquence de cette nouvelle politique, la grande majorité des Syriens qui passent la frontière sont des femmes, des enfants et des personnes représentant des cas d’urgence humanitaire, comme des blessés, des malades et des personnes âgées.
Presque tous les Syriens déplacés à l’intérieur de leur propre pays qui ont parlé à Human Rights Watch près de la frontière turque, ont indiqué qu’ils passeraient immédiatement en Turquie si la frontière était ouverte car ils ne pouvaient pas retourner vers la violence qu’ils venaient de fuir. Seuls quelques-uns ont indiqué que si les conditions humanitaires s’amélioraient, ils préféreraient rester dans des camps du côté syrien de la frontière, afin de pouvoir régulièrement inspecter leurs maisons. Les personnes déplacées qui tentent de franchir la frontière irakienne ont exprimé des points de vue similaires.
Human Rights Watch a indiqué que les organisations humanitaires avaient toute latitude pour installer des camps en territoire syrien. Toutefois, étant donné la violence généralisée et imprévisible qui fait rage actuellement en Syrie, les camps risquent de se trouver pris au milieu des combats lors de possibles offensives de l’armée syrienne dans les zones frontalières contre les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL).
Un travailleur humanitaire syrien employé dans une des écoles d’Atma qui abritent des personnes déplacées, a déclaré à Human Rights Watch: « Il n’y a pas de sécurité, pas de sûreté ici. S’ils n’hésitent pas à tirer sur les zones frontalières en Jordanie, au Liban et en Turquie, cela veut dire qu’il n’y a pas de zone sûre en Syrie. »
Les personnes déplacées à Bab al Salaam en Syrie ont indiqué à Human Rights Watch que des avions de combat syriens avaient survolé leur camp au cours des deux semaines précédentes. Le 3 octobre, des tirs de mortier syriens ont tué cinq civils turcs et en ont blessé 10 autres dans la ville turque d’Akçakale, déclenchant une riposte de la Turquie le lendemain. Le même jour, le Parlement turc a autorisé des opérations militaires contre la Syrie et l’OTAN a condamné l’attaque syrienne.
Un Syrien travaillant avec les déplacés à Abu Kamal près de la frontière irakienne a déclaré: « Tout le monde ici est préoccupé par les combats et craint que nous soyons bombardés. Nous ne savons pas quelle sera la prochaine cible de leurs bombes. Cela peut tomber n’importe où.»
« De plus en plus de Syriens fuient une épouvantable violence mais se retrouvent bloqués dans des zones non sûres», a conclu Gerry Simpson. « La Turquie, l’Irak et tous les autres pays où des Syriens cherchent à se réfugier ne devraient pas leur refuser leur protection.»
Informations detaillées sur les Syriens bloqués aux frontières de l’Irak ou de la Turquie
À la frontière turque
Des travailleurs humanitairres syriens et des Syriens bloqués à la frontière ont indiqué à Human Rights Watch que durant les deux derrnières semaines d’août, la Turquie a fermé sa frontière avec la Syrie près de la ville turque de Reyhanlı et de la ville syrienne d’Atma, ainsi que le poste frontière d’Öncüpınar/Bab al Salaam près de la ville turque de Kilis. Depuis lors, les gardes frontière turcs n’ont laissé passer qu’un nombre restreint de ressortissants syriens. Des activistes syriens qui ont visité les points de passage proches de Karkamış et de Yayladağı du côté syrien de la frontière ont également dit à Human Rights Watch que des centaines de Syriens s’y trouvaient bloqués.
Au cours des deux derniers mois, c’est par ces postes frontière que la majorité des Syriens fuyant l’intensification des combats dans les gouvernorats d’Alep et Idlib ont essayé de se réfugier en Turquie, car ils sont proches des zones affectées. Human Rights Watch a visité les points de passage de Reyhanlı et Öncüpınar et a pu confirmer que des Syriens étaient bloqués du côté syrien.
Au poste frontalier de Reyhanlı/Atma
Le 9 octobre, Human Rights Watch a rencontré des Syriens au poste frontière de Reyhanlı/Atma qui n’ont pas pu pénétrer en Turquie depuis le milieu ou la fin du mois d’août.
Selon des travailleurs humanitaires locaux, 1.600 Syriens vivent sous des tentes de fortune dressées dans des oliveraies, à 100 mètres du poste frontière. Ils vivent sans toilettes, ni eau courante ni électricité et avec des services de santé rudimentaires. Ils sont entièrement dépendants de quelques organisations humanitaires, qui leur fournissent des quantités limitées de nourriture et d’eau en bouteille. Beaucoup d’entre eux ont dit à Human Rights Watch qu’ils voulaient rester sur place pour être sûrs d’être en première ligne pour passer la frontière si celle-ci était rouverte. D’autres ont indiqué n’avoir pas d’autre endroit où aller.
Quand les premières tentes ont été dressées fin septembre, environ 5.000 personnes vivaient sous les arbres, mais les fortes pluies tombées entre le 5 et le 7 octobre en ont fait partir 2.500. Certaines sont rentrées chez elles et d’autres se sont rendues à Atma, où elles ont trouvé refuge dans des écoles ou chez l’habitant. Un certain nombre de personnes ont indiqué que les fortes pluies avaient incité les autorités turques à admettre un millier de Syriens sur leur territoire entre le 5 et le 7 octobre.
Certaines personnes déplacées et des responsables humanitaires ont également indiqué à Human Rights Watch que fin septembre, la Turquie avait invité les médias turcs à filmer des responsables turcs de la frontière autorisant quelques centaines de Syriens à passer. Mais selon des Syriens qui travaillent avec les personnes déplacées à Atma, des centaines de réfugiés supplémentaires ont tenté de franchir la frontière mais ont été refoulées de force en Syrie dès le départ des médias.
« Nous pensions que nous pourrions rester en Turquie,» a déclaré une personne déplacée interrogée par Human Rights Watch. « Mais après le départ des journalistes, les Turcs nous ont dit que seules les personnes les plus vulnérables pourraient rester et ils ont refoulé de force des centaines d’entre nous de l’autre côté de la frontière. Des gens trébuchaient, tombaient et se piétinaient. C’était la pagaille.»
Deux écoles abritent maintenant un millier de personnes, tandis qu’environ 15.000 autres vivent chez des habitants d’Atma dans des conditions d’exiguïté. Des Syriens qui portent assistance aux réfugiés dans les écoles ont indiqué que des milliers d’entre eux passeraient immédiatement en Turquie s’ils le pouvaient. Beaucoup ont confirmé à Human Rights Watch qu’ils attendaient de pouvoir traverser.
L’Armée syrienne libre (ASL) enregistre les personnes déplacées installées dans deux écoles d’Atma et près de la frontière et détermine qui peut traverser si celle-ci est rouverte. L’ASL et des responsables d’organisations humanitaires ont indiqué que 5.500 personnes étaient sur cette liste d’attente à la date du 9 octobre. Ceux qui attendent depuis le plus longtemps sont en tête de liste pour traverser si la frontière est rouverte, avec toutefois des priorités données aux cas d’urgence comme les personnes âgées et celles qui ont des besoins médicaux ou d’autres vulnérabilités. Des personnes qui tentent de passer la frontière ont indiqué à Human Rights Watch qu’il était difficile d’être placé dans le haut de la liste sans verser de pots de vin ou faire jouer des relations.
À cause des mauvaises conditions à la frontière et du surpeuplement à Atma, Sheikh Omar Rahmoun, un Syrien originaire de Halfaya Hama, a commencé début octobre à installer un camp de fortune à l’orée du village syrien de Qah, à quelques kilomètres d’Atma.
Un travailleur humanitaire syrien a indiqué que grâce à des dons effectués par des Syriens et des Libyens, ils avaient loué un terrain à des résidents locaux et l’avaient aplani pour qu’il puisse accueillir 5.000 personnes. L’organisation humanitaire turque IHH a également fourni des conteneurs préfabriqués pour servir de salles d’eau et de latrines.
Human Rights Watch a vu arriver certaines des premières familles dans ce camp le 9 octobre. Quelques-unes venaient du camp de forture installé dans les oliveraies et certaines ont indiqué avoir abandonné l’idée de passer la frontière. D’autres venaient de fuir les tirs d’artillerie et les frappes aériennes en Syrie et ont indiqué qu’elles souhaitaient passer en Turquie. Des employés locaux d’organisations caritatives ont dit que les personnes installées dans le camp de Qah étaient rayées de la liste des candidats au passage de la frontière, tandis que d’autres affirmaient que les personnes désireuses de franchir la frontière pouvaient toujours s’inscrire sur cette liste.
Au poste frontalier d’Öncüpınar/Bab al Salaam
Le 6 octobre, Human Rights Watch a rencontré des personnes déplacées et des travailleurs humanitaires syriens du côté syrien de la frontière turco-syrienne au point de passage d’Öncüpınar/Bab al Salaam, où des milliers de personnes sont bloquées depuis la mi-août. La plupart ont affirmé qu’elles se trouvaient dans ce camp depuis des semaines.
Mohammed Nur, le porte-parole du bureau de presse d’Azaz travaillant à la frontière, a raconté à Human Rights Watch qu’à la mi-août, IHH avait commencé à établir un camp tout près de la frontière, où les Croissant Rouge syrien et qatari, ainsi que des travailleurs humanitaires saoudiens et des organisations syriennes, fournissent une assistance de base. À la date du 6 octobre, le camp abritait 5.500 personnes, la plupart attendant de pouvoir passer en Turquie.
Des travailleurs humanitaires du camp ont indiqué que depuis la mi-août, la Turquie avait autorisé 2.000 Syriens à passer la frontière, par petits groupes et à divers moments. Comme dans le cas des listes d’attente établies par l’ASL à Atma, les personnes qui ont attendu le plus longtemps ont la priorité de passage, quoique les plus vulnérables bénéficient d’une priorité supérieure.
Une personne résidant dans le camp a déclaré à Human Rights Watch:
« Il y a eu une manifestation le 3 octobre, lors de laquelle 200 à 300 d’entre nous sommes allés protester à la clôture frontalière, plaidant pour qu’ils nous laissent entrer. Les Turcs nous ont ignorés. C’était la septième manifestation depuis mon arrivée ici.»
Des résidents du camp ont affirmé à Human Rights Watch que la nourriture du camp leur donnait la diarrhée et les rendait malades. Un médecin du camp a indiqué n’avoir que 10% des fournitures médicales dont il aurait besoin. Il a ajouté:
« La plupart des cas concernent des enfants et des personnes âgées. Beaucoup sont malades à cause de la nourriture parce qu’ils la préparent dans des conditions insalubres, donc il y a beaucoup de bactéries et ils utilisent beaucoup d’épices, ce à quoi les gens ne sont pas habitués. D’autre part, il n’y a pas assez d’eau pour se laver et les enfants jouent dans la poussière toute la journée et ils se contaminent les uns les autres.»
Le médecin a indiqué que des femmes enceintes avaient été autorisées à entrer en Turquie pour y accoucher mais que les autorités turques les avaient ensuite renvoyées en Syrie avec leurs bébés.
Dans le camp, les tentes sont dressées sous des auvents ou en plein air. Une femme a affirmé que sa fille avait été sérieusement blessée quand de forts coups de vent avaient arraché l’une des tentes, qui l’avait frappée à la tête.
Plusieurs personnes ont dit à Human Rights Watch qu’au cours des deux dernières semaines, des avions de combat syriens avaient survolé le camp.
Le 11 octobre, Human Rights Watch s’est entretenu avec un haut responsable du ministère turc des affaires étrangères, qui a indiqué savoir que des Syriens se trouvaient en grand nombre dans diverses zones proches de la frontière turque. Il a affirmé que la Turquie avait épuisé ses capacités d’accueil dans les 14 camps pour réfugiés syriens établis sur son territoire et qu’elle s’efforçait actuellement d’ouvrir deux nouveaux camps d’une capacité de 30.000 places mais que pour cela, elle avait besoin d’un soutien international.
Ce responsable a également affirmé que selon son gouvernement, de nombreux Syriens rassemblés près de la frontière turque n’étaient pas en danger et avaient seulement besoin d’assistance. En conséquence, la Turquie a inauguré début août un « système de livraison d’aide au point zéro », consistant à aider les organisations turques à fournir de l’aide humanitaire aux Syriens à proximité de la frontière turque mais en territoire syrien. À la date du 11 octobre, ces organisations collectaient de l’aide destinée à la Syrie près de cinq postes frontière turcs: à Kilis (Öncüpına/Bab al Salaam), Gaziantep (Karkamış/Jarablous), Akçakale (Şanlıurfa/Tel Abyad) et Hatay (Cilvegözü/Bab al Hawa et Yayladağı/al-Yamadiya).
À la frontière irakienne
Le 3 octobre, le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) a indiqué que l’Irak avait accueilli 36.500 réfugiés syriens fuyant le conflit en cours, dont un peu plus de 30.000 sont dans le nord de l’Irak, région placée sous la juridiction du Gouvernement régional du Kurdistan, qui a autorisé des milliers de réfugiés kurdes syriens à s’installer sur son territoire.
À la fin septembre, entre 500 et 2.000 familles syriennes qui essayaient de fuir vers l’Irak ont été bloquées du côté syrien de la frontière dans la région d’Abu Kamal, en face de la ville irakienne d’al-Qaem, dans l’attente de passer en Irak. Selon les organisations humanitaires locales, elles sont bloquées dans cette zone depuis que l’Irak a fermé sa frontière à la mi-août et, le 18 septembre, a imposé un quota journalier, autorisant entre 100 et 150 Syriens à entrer.
En conséquence de cette nouvelle politique et de l’interdiction de laisser entrer en Irak les hommes d’âge militaire, la grande majorité de ceux qui franchissent la frontière sont des femmes, des enfants et des personnes représentant une urgence humanitaire. Le 5 octobre, le HCR a affirmé que les autorités irakiennes continuaient de limiter les octrois de visas d’entrée à une centaine de personnes par jour – généralement des femmes, des enfants de moins de 12 ans et des hommes de plus de 50 ans – et que 768 personnes seulement avaient pu entrer par le poste frontière d’al-Qaim la semaine précédente.
Fin septembre, Human Rights Watch s’est entretenu avec des responsables de l’assistance humanitaire et des réfugiés récemment entrés en Irak et avec des Syriens du côté syrien de la frontière, dans et autour de la ville syrienne d’Abu Kamal. Beaucoup d’entre eux ont fait état de combats ayant duré des semaines dans la région. Selon des informations de presse, le 8 septembre, plusieurs Irakiens ont été tués à al-Qaem après que les combats du côté syrien de la frontière se soient étendus du côté irakien.
Un déplacé qui tente de franchir la frontière depuis fin août a déclaré:
« Aujourd’hui même, des obus de mortier sont tombés à une centaine de mètres d’où je suis hébergé dans la ville d’Abu Kamal. Les forces de Bachar (le président syrien al-Assad) contrôlent la majeure partie de la ville et il y a aussi des tireurs embusqués, donc vous ne pouvez pas vous déplacer, surtout la nuit.»
Des résidents ont indiqué à Human Rights Watch que l’armée syrienne considérait que quiconque est originaire d’Abu Kamal, en particulier les hommes, est pro-ASL et que les hommes déplacés venant d’autres régions de Syrie qui attendent de passer en Irak pouvaient être traités comme des membres de l’ASL.
À la date du 8 octobre, les combats entre l’armée syrienne et l’ASL se poursuivaient dans la région d’Abu Kamal.