A quoi devrait ressembler le plan européen d’accueil des réfugié.e.s afghan.e.s ? Sara Prestianni, Chargée de programme Migration et Asile à EuroMed Droits propose des solutions.
Après les déclarations solennelles et inquiètes des chefs d’Etat et de gouvernement européens face à la prise de Kaboul par les Talibans, rien ne semble avoir changé en vue de mettre en place un véritable plan d’accueil au niveau européen.
Le Conseil « Justice et affaires intérieures » du 31 août a clarifié la position européenne : il s’agit de délocaliser en priorité les réfugié.e.s vers les pays voisins de l’Afghanistan, notamment le Pakistan, ou la Turquie en échange d’un soutien économique. Comme bien souvent en matière de politique européenne de migration et d’asile, l’externalisation vers des pays tiers semble être la solution dominante au lieu d’une politique d’accueil européenne intégrée.
De facto, aucun engagement réel n’a été pris à l’égard des Afghan.e.s en danger dans leur propre pays, afin de leur permettre d’emprunter des voies sûres et légales vers l’UE, leur évitant de traverser la mer et les frontières. Des mesures qui permettraient d’éviter un bilan déjà tragique aux portes de l’Europe.
Quelles solutions l’UE peut-elle proposer ?
Avant le Forum sur la réinstallation (actuellement prévu le 7 octobre), il est urgent que les États membres de l’UE ouvrent des voies sûres pour les personnes ayant besoin de protection. Cela doit comprendre un programme de réinstallation ambitieux pour les réfugié.e.s afghan.e.s, comme l’a souligné EuroMed Droits dans une déclaration commune avec d’autres ONG.
De son côté, la Commission européenne peut utiliser le budget interne pour la migration afin d’assurer un niveau d’accueil adéquat et harmonisé dans les États membres. Tous les engagements budgétaires évoqués au cours de la réunion du Conseil semblent actuellement se concentrer sur le soutien aux pays tiers, soit par le biais des instruments budgétaires de « Voisinage, développement et coopération internationale » (IVDCI) ou de « Gestion intégrée des frontières » (GIF). Aucune référence n’a été faite au renforcement de la capacité d’accueil dans les États membres à l’aide des fonds de l’initiative « Asile, migration et intégration » (AMIF).
Compte tenu des longs délais que prennent souvent les procédures de réinstallation, ces fonds de soutien doivent être accompagnés d’autres mesures d’évacuation rapide, proportionnelles au danger que courent de nombreux segments de la population dans le pays : évacuations diplomatiques, augmentation des quotas de regroupement familial, délivrance de visas humanitaires supplémentaires, parrainage communautaire et corridors humanitaires. Comme l’ont récemment souligné des député.e.s européen.ne.s dans une déclaration, la Commission européenne doit mettre en œuvre la proposition informelle faite par le Haut-Représentant Josep Borrell d’utiliser la Directive 2001/55/EC (relative à la protection temporaire) pour garantir une réponse immédiate et un accès équitable aux procédures de demande d’asile et de protection.
Première étape : aider les Afghan.e.s déjà en Europe
Proposer des solutions pour les Afghan.e.s en danger dans leur propre pays ne doit pas occulter les milliers d’Afghan.e.s qui se trouvent déjà sur le territoire européen, bien souvent dans un flou administratif (EuroMed Droits a interviewé l’un d’entre eux dans sa récente série de podcasts, « EuroMed Standing Watch » – podcast en français). Leur demande d’asile doit être réexaminée sur la base des changements politiques et sociaux que connaît actuellement l’Afghanistan. Ils.elles doivent être autorisé.e.s à obtenir un statut de protection internationale afin de pouvoir reprendre une vie plus normale.
Les États membres doivent également respecter leur engagement de ne pas expulser les Afghan.e.s vers leur pays d’origine. Ils doivent exclure toute réadmission de réfugié.e.s dans des pays tiers qui ne leur garantirait pas un niveau de protection adéquat, comme l’ont laissé entendre certains documents de la Commission européenne, ce qui conduirait à la violation du principe de non-refoulement.
De même, les institutions européennes et les États membres ne doivent pas ignorer les milliers d’Afghan.e.s qui ont déjà passé des mois, parfois des années, sur les routes migratoires des Balkans, victimes de violences et de refoulements illégaux.
Le moment est venu pour l’UE et ses États membres de montrer qu’ils ont le courage de rester fidèles au principe fondateur de solidarité de l’Union et que les larmes versées face aux images tragiques de l’aéroport de Kaboul ne sont pas que des larmes de crocodile.
Sara Prestianni
Responsable du programme « Migration et Asile »