Les soulèvements arabes de 2011 ont donné le coup d’envoi d’une décennie d’activisme en ligne dans la région MENA. Les blogs et les médias sociaux sont devenus des outils de résistance pour les personnes marginalisées, comme les féministes et les femmes. Pourtant, les inégalités structurelles entre les genres persistent et trouvent un écho dans ce qui est devenu une extension de l’espace public. Les régimes autoritaires et illibéraux censurent et surveillent les contenus en ligne afin de mettre un frein à toute campagne populaire défiant l’ordre établi.
La violence en ligne est en hausse, particulièrement depuis le début de la pandémie de COVID-19. Dans un récent rapport, EuroMed Droits a cartographié la diversité des situations de violence en ligne auxquelles font face les femmes de la région MENA. Le rapport montre ainsi que près de 60% des femmes turques et 80,8% des femmes en Jordanie ont été victimes d’au moins une forme de violence en ligne ou de cyberharcèlement. En Egypte, ce chiffre atteint 41,6% des participantes à une étude portant sur l’année 2019. Enfin, un tiers des femmes palestiniennes ont révélé avoir été victimes de violence et de harcèlement sexuel en ligne. Avec la récente flambée de violence, les voix de femmes palestiniennes ont été supprimées en ligne par la censure et l’interdiction de comptes Facebook, Twitter et Instagram. Avec d’autres Palestiniens, elles mettaient en lumière l’oppression et la discrimination systémiques, ainsi que les crimes de guerre présumés, dont les Palestinien.ne.s sont victimes de la part des autorités israéliennes.
Les violences de genre ciblent démesurément les femmes évoluant dans la sphère publique, comme les journalistes ou les défenseuses des droits humains. De la même manière, les personnes LGBTQI+ présentes sur les réseaux sociaux sont des victimes faciles pour la violence en ligne.
Les gouvernements ne se pressent pas pour contrer ce phénomène. Aujourd’hui, dans la région, seule la loi tunisienne visant les violences contre les femmes et les filles est assez complète pour répondre à des contextes de violence en ligne. Dans la plupart des pays, les personnes qui devraient agir pour protéger les femmes de ces formes de violence semblent élargir le champ de ces violations. C’est le cas de l’Egypte qui, en 2020, a poursuivi en justice neuf influenceuses pour « violation des principes de la famille », pour avoir posté des vidéos sur le réseau social TikTok. Notre rapport montre une utilisation accrue de lois assez vagues « sur la cybercriminalité » visant à faire taire les voix contestataires au motif de la sécurité nationale.
Mais les activistes et les associations féministes se font toujours entendre en utilisant des outils numériques pour encourager la solidarité et la résistance. Des initiatives en ligne se multiplient à l’image d’#EnaZeda, le #MeToo tunisien, ou #guardianship_myright en Egypte contre le projet de loi inique sur le statut personnel. Pour les jeunes femmes de la région, le monde numérique offre des espaces où les normes de genre peuvent être dépassées et réinventées. Protéger leurs droits et leur sécurité sur ces plateformes est donc plus que jamais nécessaire.
Lire le rapport d’EuroMed Droits « Spaces of Violence and resistance: women’s rights in the online world » sur notre site (en anglais).