Quatre années de prison et 10.000 dinars d’amende pour une photo non floutée d’un policier dans un stade. Cette peine démesurée pourrait bientôt être appliquée en Tunisie si le projet de loi relative à la répression des atteintes contre les forces armées est adopté par l’Assemblée des Représentants du Peuple.
Ce projet de loi, véritable serpent de mer de la politique tunisienne puisqu’il était déjà discuté en 2015 et retiré à plusieurs reprises, prévoit de rehausser la protection juridique de tout membre des « forces armées » (c’est-à-dire tout militaire, garde national, agent de police ou des douanes) dans et en-dehors du cadre du service.
Les syndicats représentant les « forces armées » dénoncent en effet la montée de la violence contre les agents en charge du maintien de l’ordre civil et réclament un durcissement des mesures de répression contre les atteintes verbales ou physiques à leur encontre.
Les organisations de la société civile, dont EuroMed Droits, ont dénoncé un projet de loi démesuré et liberticide qui pose un risque considérable aux acquis de la Révolution en matière de libertés publiques : démesuré tout d’abord puisqu’il prévoit des peines excessives telles que quatre ans de prison pour une photo prise dans un stade où se trouvent des forces de l’ordre en exercice et dont le visage ne serait pas flouté, ou encore deux mois de prison pour la détention d’un téléphone avec caméra près d’un véhicule de police sur l’avenue Habib Bourguiba à Tunis.
Un projet de loi liberticide enfin puisqu’il fait courir le risque d’un virage sécuritaire excessif, dangereux et contraire à l’esprit de la Révolution de 2011. Les violences perpétrées par les forces de l’ordre contre des manifestants qui exprimaient, comme l’autorise la Constitution, leur désapprobation du projet de loi en sont un premier exemple. L’un des articles de ce projet de loi, l’article 7 plus précisément, confère même une immunité presque totale aux agents des forces de l’ordre sans réel contre-pouvoir, ce qui fait craindre un détournement et une trahison des objectifs de liberté, de dignité et de justice de la Révolution tunisienne.